Emmanuel Macron cherche sa place dans le Tchad post-Déby 

Prise de court par la mort brutale d’Idriss Déby Itno, son allié stratégique pour la lutte contre le terrorisme au Sahel, la France tâtonne entre le soutien au fils du président tchadien et la volonté de prendre en compte l’aspiration des Tchadiens au changement.  

Le ton était inhabituel, les mots aussi : le président français Emmanuel Macron a condamné mardi dernier « avec la plus grande fermeté » la répression des manifestations au Tchad qui a fait au moins cinq morts et des dizaines de blessés. Sur le perron de l’Elysée aux côtés de son homologue congolais Felix Tshisékedi, président de l’Union africaine, Macron s’est également dit opposé à tout « plan de succession », en référence à la crainte des Tchadiens de voir Mahamat Idriss Déby Itno, qui dirige actuellement le Conseil militaire de transition (CMT), succéder à son père. Cette prise de position traduit une nette évolution de la position française qui a semblé jusqu’ici apporter son soutien indéfectible à la junte militaire qui a pris le pouvoir après la disparition de Déby. En tout cas, les généraux qui se sont installés au pouvoir après la disparition du président tchadien ont entendu dans ses propos prononcés le 23 avril à N’Djamena, lors des obsèques de Déby, un feu vert pour gérer à leur guise la transition.

Outre la répression brutale des manifestations pacifiques, la junte a nommé unilatéralement Albert Pahimi Padacké Premier ministre de transition et exclut toute négociation avec les rebelles du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT).  

Trop peu, trop tard 

Lors de son tout premier message à la Nation prononcé le 27 avril dernier, Mahamat Déby Itno n’a rien concédé sur l’engagement des membres de la junte à ne pas se présenter aux élections à l’issue de la période de transition de 18 mois. Il n’a rien lâché non plus sur le partage de pouvoir entre civils et militaire, notamment à travers une modification de la Charte de transition rédigée unilatéralement par la junte. Dans ce contexte, les dernières déclarations de Macron ne sont pas perçues au Tchad non pas comme un changement de cap mais plutôt comme un geste destiné à calmer l’exaspération d’une bonne partie de l’opinion contre la France. Le drapeau français a été brûlé dans plusieurs villes lors des manifestations contre le CMT et des slogans hostiles au président Macron et à la politique française au Tchad ont également été entendus. Pourtant, rien n’indique que la France pourra aller bien au-delà des condamnations de principe de la répression du CMT et de l’appel à la gestion consensuelle du pouvoir pendant la transition.

Ce qui compte principalement pour Paris, c’est la poursuite de l’engagement du Tchad dans la lutte contre le terrorisme au Sahel. Mahamat Déby Itno en a donné l’assurance lors de son allocution aux Tchadiens. En échange, il peut donc continuer à compter sur la mansuétude de la France qui cherche à trouver l’équilibre délicat entre son soutien à la junte et la prise en compte des aspirations des Tchadiens à l’alternance.