Congo Brazzaville, Sassou lâché par Trump

Le régime du Congo Brazzaville semble de plus en plus isolé à Washington. Sur fond d’intérèts pétroliers divergents et de défense des droits humains

Autant le président Trump n’a guère une vision précise des réalités du  continent africain, autant le département d’Etat, l’équivalent du ministère américain des Affaires Etrangères, n’a guère aujourd’hui une opinion favorable du régime congolais. Pas de chance pour le président Sassou, au pouvoir depuis 1997, le chef de da diplomatie américaine, Rex Tillerson, fut de 2008 à 2016 le patron du groupe pétrolier Exxon, qui fut poussé par la sortie par le régime congolais au profit des Français de Total. Autant dire que ces mauvais souvenirs sont toujours présents dans la perception qu’a aujourd’hui l’administration Trump des maitres de Brazzaville.

« Des irrégularités généralisées »

Plus généralement, le régime de Sassou n’a plus guère la cote. Celle qui qui vient d’être promue à la tète de la section « Afrique centrale » du département d’Etat est l’ancienne ambassadrice américaine au Congo Brazzaville, Stéphanie Sullivan. C’est peu de dire que dans ses fonctions passées et alors qu’Obama, soucieux de bonne gouvernance, était encore au pouvoir, cette dernière assista, sans indulgence, au processus électoral désastreux qui vit en mars 2016, la réélection de Sassou en 2016. Cette diplomate reçut constamment les opposants au régime, dénonça « les irrégularités généralisées » du scrutin et  fit comprendre au secrétaire général du Parti Congolais du travail (PCT), le parti au pouvoir, qu’elle ne comptait pas soutenir ouvertement le président sortant. On vit même Stéphanie Sullivan se déplacer elle même à l’aéroport de Brazzaville, lors du retour en 2015 de l’opposant historique, Modeste Bukadia, accueilli par des centaines de militaires. Lorsqu’il fut jeté en prison, l’ambassade américaine resta constamment vigilante sur le sort qui lui était réservé.

Son état d’esprit apparut clairement lors de la cérémonie qui marqua son départ voici quatre mois: « L’engagement citoyen peut maintenir la transparence et la responsabilité de la part des élus. L’équilibre des pouvoirs garde les leaders politiques plus honnêtes et plus attentifs envers les citoyens. L’amélioration constante de l’environnement médiatique permet aux citoyens de prendre davantage des décisions éclairées et demander des comptes aux dirigeants », a-t-elle expliqué.

Ces préoccupations n’étaient guère celles des représentants de la France alors que François Hollande était chef de l’Etat et Manuel Valls Premier ministre. A l’époque, le conseiller spécial du président Sassou, le français Jean Yves Olivier, était décoré par Matignon tout comme quelques généraux en vue du régime. Ségolène Royal, ministre alors de l’environnement, venait mendier quelques subsides pour la COP 21 qui se tenait à Paris. « Les Américains étaient beaucoup plus soucieux de transparence et de droits humains que les français », constat l’opposant Modeste Bukadia.

Villepin à la manoeuvre

Depuis l’élection d’Emmanuel Macron, le régime congolais tente, mais apparemment sans grand succès, de conserver de bonnes relations avec Paris. La nomination d’un nouvel ambassadeur, Bernard Cochery, moins inféodé que son prédécesseur aux autorités en place, est un mauvais signal pour Brazzaville.

L’ancien ministre des Affaires Etrangères, Dominique de Villepin, que l’on a vu récemment au Congo, frappe à quelques portes au Quai d’Orsay, où officie comme secrétaire général son ancien collaborateur et ami, Maurice Gourdault Montagne, pour défendre le président Sassou. Autre allié dans la tourmente, Dominique Strauss Kakn, dont beaucoup d’anciens collaborateurs travaillent avec le gouvernement d’Emmanuel Macron, a reçu un mandat de Brazzaville

Très isolé, le régime de Sassou semble perdre le contrôle de la situation à Paris. L’avocat William Bourdon, à l’origine en 2010 de la plainte pour « biens mal acquis » contre plusieurs présidents africains, dont Sassou au Congo, a saisi récemment a justice après avoir pris connaissance de « menaces de mort » contre lui. Il semble que ce soit le propre fils du président congolais, Denis Sassou Nguesso, qui ait tenu ces propos. Ce n’est pas la première fois que William Bourdon essuie des scuds hostiles de la part du clan Sassou. Dans « le Point » voici quelques années, paraissait une enquête malveillante contre cet avocat connu pour ses positions contre la corruption.

Isolement régional

Sur le plan régional, les amis du régime congolais se font de plus en plus rares. Avec le Gabon, la détestation est totale et avec le Tchad, les relations restent tendues. Quant à l’Angola tout proche, le climat n’est pas le beau fixe. Le nouveau président angolais, Joao Lourenço, qui a succédé à Dos Santos, est au mieux avec certains opposants de sassou issus comme lui des régions frontalières entre le sud du Congo et le nord de l’Angola.

Si enfin un calme précaire prévaut avec le Rwanda, c’est surtout parceque le président Kagamé sait gré aux Congolais d’accueillir des réfugiés hutus qu’il ne tient pas vraiment à gérer à domicile.

Les plus fidèles soutiens de Sassou restent la Chine, partenaire économique privilégié et le Qatar, toujours prêt à subventionner des amis en difficulté. C’est peu….

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