L’embargo sur les armes a été reconduit par l’ONU, mais avec de possibles assouplissements. En revanche, les sanctions sur certaines personnes sont maintenues. Cette Résolution 2454 du Conseil de sécurité mérite des éclaircissements qui ne sont pas nécessairement favorables à l’exécutif centrafricain et au dialogue, qui a commencé à Khartoum, entre le gouvernement et les groupes armés.
Par la Résolution 2454 du 31 janvier 2019, le comité des sanctions du Conseil de sécurité de l’ONU a reconduit, à l’unanimité et jusqu’au 31 janvier 2020, l’embargo sur les armes ainsi que les sanctions contre certaines personnes, interdites de voyager et dont les avoirs sont gelés. Toutefois, pour la première fois, depuis 2013, le Conseil de sécurité a ouvert la perspective d’un éventuel réexamen pour une levée partielle de l’embargo, en septembre 2019.
Cette avancée a permis un vote à l’unanimité, mais surtout elle répondait à une demande récurrente du pouvoir banguissois. Le Conseil de sécurité avait pris bonne note de la mobilisation populaire, organisée et financée par le président Touadera et son premier ministre Mathieu Simplice Sarandji, le 28 janvier 2019. Aux yeux des manifestants et surtout du pouvoir banguissois, cet embargo est la principale cause de l’échec de la reconquête des trois quarts du territoire national.
Le Conseil de sécurité ne semble pas partager totalement cette vision, assez courte, de l’échec.
Une levée hypothétique de l’embargo
Évidemment, le langage diplomatique du Conseil de sécurité est à prendre avec les précautions d’usage. Les lauriers dressés au président Touadera ne sont pas dépourvus d’épines. Si des « progrès reels » dans la recherche de la sécurité et de la paix sont salués, le Conseil de sécurité est toutefois loin de s’en satisfaire. La réforme du système de sécurité ( RSS), le processus de Désarmement, de Démobilisation, de Réinsertion et de Rapatriement (DDRR) la gestion des armes et munitions, ne paraissent pas être suffisamment mis en oeuvre. Les reproches faits au président Touadera affleurent les mots d’encouragement. Si le pouvoir banguissois souhaite vraiment un assouplissement de l’embargo, il devra se mettre au travail sans tarder et produire un rapport détaillé sur les progrès effectifs, avant le 30 juin 2019, adressé au comité des sanctions du Conseil de sécurité.
Ce rapport devra être mis en phase avec celui du Groupe d’experts onusiens qui évalue régulièrement la situation réelle du pays. Le moins que l’on puisse dire est que ses derniers rapports sont de plus en plus alarmants. Signe que le Conseil de sécurité ne s’attend pas à une rapide amélioration de la situation, le mandat du Groupe d’experts est reconduit jusqu’au 29 février 2020.
Cette exigence de vérifier les progrès accomplis et donc la responsabilité du président Touadera et de son equipe sera probablement considérée à Bangui, comme une nouvelle ingérence de l’ONU et un obstacle au renforcement des Forces armées centrafricaines.
Le dialogue national fragilisé
Évidemment les efforts de réconciliation nationale, s’inscrivant dans l’Initiative de l’Union africaine, sont salués, à juste titre. Le Conseil de sécurité place beaucoup d’espoirs dans le dialogue, entrepris à Khartoum avec la « falicitation » russe, entre le gouvernement et les groupes armés. On peut néanmoins se demander si la perspective d’un éventuel assouplissement de l’embargo sur les armes, et le maintien des sanctions portant sur certains chefs de guerre comme Nourredine Adam, confortent les pourparlers de paix ? L’escalade dans la fourniture d’armes, de munitions et de matériels militaires au bénéfice de tous les protagonistes de la crise centrafricaine n’est pas à écarter.
Au demeurant, si le principe de la reconduction pour un an de l’embargo des armes est affirmé, il est aussi admis des dérogations à ce principe. Ces dérogations ont déjà été accordées d’abord à la Russie, puis aux Etats-Unis d’Amérique et à la France et maintenant à la Chine. Des milliers de fusils d’assaut kalachnikovs, dont 1 400 venant de la France et 7 000 venant de Russie, des centaines d’armes automatiques, des lance-roquettes, des milliers d’uniformes et des centaines de véhicules ont déjà été livrés.
Ces dérogations ont évidemment facilité le vote à l’unanimité du Conseil de sécurité, mais aussi sensiblement diminué l’impact de l’embargo.
Antonio Gutteres invité à s’impliquer davantage
Le Conseil de sécurité a imposé un agenda directif pour évaluer les conditions acceptables d’un éventuel réexamen de l’embargo. Avant le 31 avril 2019, le Conseil de sécurité devra déterminer « les objectifs de références clairs et précis » concernant la RSS, le DDRR, et la gestion des armes et munitions. Il reviendra au Secrétaire général de l’ONU, assisté du Groupe d’experts et avec le concours de la Minusca, de procéder à l’évaluation des résultats des progrès accomplis en fonction des objectifs de références clairs et précis qui auront été définis. Antonio Gutteres devra remettre son rapport avant le 31 juillet 2019. La bureaucratie onusienne devra s’employer pour respecter cette échéance. Étant donné les dures réalités du terrain, on observe qu’aujourd’hui la RSS est au point mort, le DDRR fait l’objet surtout d’actions de communication, comme dernièrement à Paoua, tandis que la gestion des armes et munitions, notamment provenant de la Russie, est quasiment hors de tout contrôle. Le rapport d’Antonio Gutteres risque fort de mécontenter le pouvoir banguissois et de réveiller les pourfendeurs des Opérations de maintien de la paix, comme celle de Centrafrique. Nul doute que Donald Trump sera intéressé par ce qui se passe en Centrafrique.
La Résolution 2454 du 31 janvier 2019, ouvre certes la possibilité d’assouplir l’embargo sur les armes, mais elle rappelle aussi qu’en dépit des dizaines de milliers de kalachnikovs, de milliers de pistolets Makarov et de centaines de véhicules blindés, la crise centrafricaine ne pourra prendre fin que par la politique.Il serait temps qu’a Bangui, on y songe davantage plutôt que de réclamer toujours plus d’armement