L’alignement du régime du président Touadera sur Moscou se fait désormais au grand jour, comme en témoigne la non-participation au consensus de l’Assemblée Générale de l’ONU pour lutter contre le Covid-19.
Par 188 voix sur 193 Etats, l’Assemblée Générale de l’ONU a adopté la Résolution du 2 avril 2020 intitulée « La solidarité mondiale pour lutter contre la maladie du Covid-19″. Ce texte recommande l’intensification de » la coopération internationale », « le recours au multilatéralisme » et insiste sur « la place centrale du système des Nations Unies » dans la lutte contre la pandémie du Covid-19.
Pourtant ce texte, n’ayant pas la valeur contraignante d’une Résolution du Conseil de sécurité, n’a pas reçu l’approbation de la Russie, de Cuba, du Nicaragua, du Vénézuela et de la République centrafricaine. Ces cinq États ont proposé une Déclaration de substitution, incluant la levée des sanctions internationales affectant notamment la Russie, qui a été immédiatement rejetée.
Les Etats-Unis pris à contrepied
La place de la République centrafricaine aux côtés des trois États latino-américains, ennemis déclarés de Donald Trump et sous asphyxie des Etats-Unis d’Amérique, pourrait refroidir les soutiens au président Touadera.
Outre l’ONU et notamment son Secrétaire général, Antonio Gutteres, l’Union européenne et notamment la France, ce sont les Etats-Unis d’Amérique qui pourraient s’émouvoir de l’alignement de la République centrafricaine sur Moscou et de pays mis au ban de nombreuses organisations internationales.
On a encore en mémoire la déclaration de soutien au président Touadera, faite à Bangui le 20 janvier 2020, du Sous-Secrétaire d’État aux affaires africaines, Tibor Nagy, ainsi que celle du Secrétaire d’État, Michael Pompeo, à Washington en avril 2019. Les présidents Diaz-Canel, successeur de Raul Castro à Cuba, Daniel Ortega au Nicaragua et Nicolas Maduro au Vénézuela sont loin de bénéficier d’une telle mansuétude, accordée au président Touadera.
Un alignement diplomatique complet
Le retour sur investissement de la Fédération de Russie en Centrafrique, ne concerne pas uniquement les sociétés russes, sous paravant centrafricain, qui exploitent les ressources minérales et végétales, souvent en dehors des lois et règlements en vigueur. Le groupe Wagner, faux-nez du Kremlin, joue également son habituelle partition en pays amis. Plus stratégique et important au niveau diplomatique, la Russie compte désormais sur la Centrafrique dans les débats internationaux.
Le régime de Faustin-Archange Touadera ne cache même plus son alignement sur Moscou. Ses conseillers russes, la ministre des Affaires étrangères, Sylvie Baïpo-Temon kremlinophile de longue date, et ses entremetteurs étrangers influents, ont finalisé cette soumission aux intérêts de la Russie.
Déjà, la République centrafricaine avait révoqué sa reconnaissance de l’indépendance du Kosovo, en juillet 2019, et essayé maladroitement, en octobre 2019, de reconnaître la république autoproclamée d’Abkhazie en rupture de la Géorgie, comme l’avaient fait le Nicaragua, la Syrie et le Vénézuela.
Vers un report des Présidentielles?
Les cinq États récalcitrants qui ont refusé de s’associer à la Résolution du 2 avril 2020 invoquent la nécessité de lever les sanctions internationales pour obtenir un consensus dans la lutte contre le Covid-19. Est-ce que cette requête, effectivement d’actualité, était dans l’objet de la Résolution et du ressort de l’Assemblee générale de l’ONU ? En revanche, on peut remarquer que la Résolution du 2 avril 2020 soulignait » la nécessité de respecter pleinement les droits humains » et qu’elle dénonçait » toute forme de discrimination, de racisme et de xénophobie dans la réponse à la pandémie ».
Ce rappel de principes démocratiques universels n’est peut-être pas étranger au refus d’adhérer à la Résolution du 2 avril.
Depuis plusieurs semaines, le régime du président Touadera s’est engagé dans une voie qui s’éloigne dangereusement des grands principes de la démocratie et du respect des droits humains. La compagnie de Cuba, du Nicaragua et du Vénézuela n’est guère rassurante. Elle est un signe de cette dérive, dénoncée à Bangui par l’opposition, et devrait inquiéter davantage la communauté internationale, notamment avec le probable report de l’élection présidentielle, initialement prévue fin décembre 2020.
Alors que l’ONU a mis en place la Minusca, avec ses 12 000 Casques bleus, que les soutiens financiers des institutions de Bretton Woods, de l’Union européenne et des partenaires occidentaux sont essentiels, que les visites du président Touadera à New York sont pluriannuelles et que la pandémie du Covid-19 en Centrafrique nécessite une aide très importante, on peut se demander si les décisions de la République centrafricaine sont encore motivées par son intérêt national.