Afrique, la volonté de rupture d’Emmanuel Macron

Le discours qu’Emmanuel Macron prononce au Burkina à l’université de Ouagadougou, ce mardi 28 novembre dans la matinée, devrait annoncer un lifting sévère de la politique africaine de la France

Emmanuel Macron est un homme pressé. Et l’Afrique ne l’a jamais laissé indifférent. C’est lui en effet qui, avec l’aide de son condisciple, l’énarque béninois Jules Armand Aniambossou, a poussé sa promotion de l’ENA à prendre le nom de Léopold Sedar Senghor, écrivain et premier président de la République du Sénégal. Le gout du large a toujours été présent chez le jeune Président français. On a su très vite que sa politique africaine serait très éloignée de celle de François Hollande, qui après l’opération militaire « Serval » au Nord Mali au début de son quinquennat, devait confier les clés de l’Afrique à l’armée française et à elle seule.

Emmanuel Macron devait rapidement se démarquer de ce sentimentalisme qui devait amener « Papa Hollande » à affirmer, lors d’un voyage au Mali en 2013, qu’il vivait « le plus beau jour de sa vie politique ». Terminée la complaisance pour le tchadien Déby, le camerounais Biya, le malien IBK, le mauritanien Aziz ou le congolais Sassou qui s’accrochent au pouvoir et pillent les richesse de leurs pays. Place à la jeunesse, forcément, mais aussi au réalisme, au multilatéralisme, et au business!

 L’anti modèle malien

Le laboratoire malien a vécu! Il ne se passe plus une semaine sans que l’armée française n’essuie au Mali une attaque des groupes armés. Cet échec taraude naturellement le nouveau Président français. Pas question pour lui de croire à la fable distillée par Hollande, Fabius et le Drian pour qui la France aurait ramené la paix au Mali (et pourquoi pas en Centrafrique, un pays au bord du chaos malgré l’intervention des militaires français).

Comment la France peut-elle sortir du guépier des opération extérieurs, sans porter la responsabilité de l’embrasement annoncé du Mali miné par l’Islam wahabbite et menacé, d par les groupes terroristes sur tout son territoire? Comment reconquérir la jeunesse africaine qui ne rève que de départ vers un occident fantasmé?

Dès le 2 Juillet denier à Bamako, Emmanuel Macron avait prononcé un discours novateur, encore que largement passé inaperçu. Comme il le fera ce mardi au Burkina et mercredi en Cote d’Ivoire,  le président français prévenait les chefs d’état présents (Niger, Mali, Mauritanie, Burkina et Tchad) qu’il recherchait des objectifs et des résultats.

La bonne gouvernance à l’oeuvre

« Ce sera à vous et à vos armées, tranchait alors Emmanuel Macron, de convaincre que le G5 peut être efficace dans le respect des conventions humanitaires. Les résultats doivent être au rendez vous pour convaincre nos partenaires ». Comprenons, « je suis prêt à aller chercher de l’argent à Bruxelles et à Berlin pour maintenir le niveau de l’aide actuelle, mais à vous de prouver que cet argent sert vraiment la lutte anti terroriste et ne connait pas quelques pertes en ligne….

Et ce n’est pas tout. « La bonne gouvernance » est désormais à l’ordre du jour. Il faut, affirmait le président français, mener « des réformes constitutionnelles ».

On sent désormais le poids de ses conseillers Afrique, de brillants technocrates formés à Bruxelles et à New York aux idées de bonne gouvernance et au respect des droits de l’homme. Sur fond d’une ligne jaune financière. Plus question pour la France de supporter seule le fardeau des dépenses militaires en Afrique. L’Europe devait mettre la main à la poche. Ce discours, Emmanuel Macron va certainement le tenir, dès le mercredi 29 novembre à Abidjan, lors du sommet entre l’Union Européenne et l’Union Africaine.

Le général Pugat à la retraite

Le nouveau cours de la politique africaine selon Macron est apparu dès la nomination du gouvernement: suppression du ministère de la Coopération, refuge des vieux crabes de la Françafrique, marginalisation de Jean Yves Le Drian aux Affaires Etrangères, montée en puissance de son directeur de cabinet qui est un fidèle de la cellule diplomatique de l’Elysée, transformation du ministère de la Défense en un simple ministère des Armées confiée à une proche de Lionel Jospin, Florence Parly, formée … aux finances publiques.

Au coeur de l’été, la clash entre l’Elysée et le chef d’Etat Major, le général Pierre de Villiers, qui faisait de la résistance budgétaire, fut l’acte fondateur de la nouvelle politique africaine. Le très réactionnaire général Pugat, chef d’état major particulier de Nicolas Sarkozy puis François Hollande, le vrai maitre d’oeuvre de la politique africaine pendant dix ans, pouvait prendre sa retraite..

Avec l’installation enfin du « Conseil présidentiel pour l’Afrique » (CPA°, peuplé de jeunes entrepreneurs, la messe était dite! Adieu laux « vieux véreux corrompus », comme devait l’expliquer à « Mondafrique » Jules Armand Aniambossou, le condisciple du chef de l’Etat devenu le coordinateur du CPA. Et cet ancien ambassadeur du Bénin à Paris de poursuivre:« Qu’est-ce que la Françafrique a apporté aux Africains et aux Français ? Rien ».

Le droit d’inventaire selon Macron concernera, et plus vite qu’on ne le pensait, la politique africaine de la France.

 

 

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)