Abdeslam Bouchouareb, l’ex-ministre de l’Industrie et des Mines entre avril 2014 et mai 2017 réfugié en France où il possède un appartement puis au Liban, est recherché par la justice algérienne, indiquent des médias proches de l’institution militaire
Abdeslam Bouchouareb, l’ancien ministre de l’Industrie qui incarnait le « Hibz França » (le « Parti de la France ») et à ce titre était un interlocuteur régulier pour Emmanuel Macron, doit être entendu par la gendarmerie pour rendre des comptes su sa gestion passée comme ministre très contesté de l’Industrie.
Détesté par les uns, adulés par les autres, Abdeslam Bouchouareb ne laisse aucun algérien indifférent. Le fis de la commune d’Aïn-Mlila située dans la Wilaya (Préfecture) d’Oum-El-Bouaghi dans le pays chaoui, a grimpé les échelons à un rythme effréné. Tout a débuté par une réussite indéniable dans le secteur agro alimentaire algérien, des marchés florissants dans une économie qui importe encore la majorité de ses produits alimentaires, notamment le blé, l’huile et le sucre.
Durant les années 80, l’ami Bouchouareb se lance dans la fabrication des chips et pommes mousselines. Classiquement, le businessman exploite les réseaux dont il dispose au sein de l’institution militaire, qui à l’époque contrôle étroitement la distribution des marchés. Or, coup de chance, les deux frères d’Abdeslam étaient officiers dans l’Armée. Le premier, feu le colonel Slimane Bouchouareb, était directeur central du Personnel et de la Justice Militaire (DPJM) au ministère de la Défense Nationale. Le second, feu le colonel Karim Bouchouareb, était un haut cadre de la Sécurité Militaire, l’ancêtre du DRS, sous le rêgne du général Betchine.
Du pays chaoui aux bords de la Seine
Plusieurs fois ministres à la fin des années 90 et au début des années 20OO, Abdeslam Bouchouareb connaîtra la gloire en 2014 au début du quatrième mandat de Bouteflika. Il est parachuté ministre de l’Industrie à partir d’avril 2014 jusqu’à mai 2017. C’est que son réseau dans le pays chaoui, une région stratégique située dans l’est algérien, va le rendre incontournable aux yeux du président Bouteflika et de son frère Saïd. Ce sera lui qui défendra les intérêts du clan présidentiel dans une région qui a fourni beaucoup de ses cadres à l’institution militaire dont la Présidence cherche à limiter les prérogatives. Après avoir surfé sur ses relations dans l’armée, Bouchouareb n’hésite pas à se retourner contre ses amis d’hier pour plaire à la Présidence algérienne.
En 2014 donc, Abdeslam Bouchouareb sera l’homme qui dirigera la nouvelle stratégie industrielle de l’Algérie. Des fonctions qui lui permettront de tisser des relations d’affaires impressionnantes au point de devenir l’interlocuteur secret des grands groupes étrangers notamment français comme Lafarge ou Renault.
Abdessalem Bouchouareb croit tellement en l’avenir de l’Algérie qu’il a décidé de devenir résident en… France et cela depuis 1997! Ministre en Algérie et propriétaire à Paris d’un bel appartement sur les bords de la Seine, tel est le destin schizophrénique de ce Rastignac, tel qu’il a été révélé par les journalistes français Christophe Dubois et Marie-Christine Tabet dans leur livre “Paris Alger, une histoire passionnelle”.
« Le ministre requin »
Le quatrième mandat de Bouteflika révèle la voracité illimitée d’Abdesslam Bouchouareb. Ainsi le « ministre requin » comme l’appellent de nombreux observateurs, a semé un véritable désordre dans le très délicat secteur des mines en Algérie. En effet, Bouchouareb a exercé un fort lobbying auprès des Bouteflika et leurs conseillers pour rattacher le secteur des mines à son portefeuille ministériel, à savoir celui de l’Industrie et de la Promotion des investissements, afin que son influence soit grandissante au sein du gouvernement. Naguère, les mines étaient gérées par le ministère de l’Energie.
Il aura fallu après la réélection de Bouteflika en 2014 attendre près de six mois pour qu’un organigramme clair situe les prérogatives de la direction des mines au ministère d’Abdesslam Bouchouareb. Dans les wilayas (Préfectures), les directions des mines relèvent toujours de l’énergie et non pas de l’industrie. En l’absence de directives précises, ces fonctionnaires demeurent paralysés et de nombreux dossiers d’investissement en suspens.
La loi du cllentélisme.
Abdeslam Boychouareb est fidèle aux siens. offre à sa famille un boulevard pour développer leurs affaires. Le BTP, la charpente métallique, le commerce de gros des matériaux de construction, l’importation des produits alimentaires: autant de secteurs surveillés de près par un ministre de l’Industrie devenu un des hommes les plus riches en Algérie.
Ses amis ne sont pas oubliés non plus. En Algérie, les frères Abdenour et Azzedine Souakri font beaucoup parler d’eux dans les affaires. Présents dans le secteur des matériaux de construction depuis des années, ils ont fait une entrée fracassante dans la cour des grands en obtenant un méga-projet en partenariat avec le très influent groupe français Lafarge. Avec ce dernier, ils ont réalisé une importante cimenterie à Djemora dans la wilaya de Biskra. Le secret de cette réussite est leur proximité avec Abdesslam Bouchouareb, largement l’artisan de ce partenariat avec le groupe francçais. C’est lui qui a activé ses réseaux à Paris pour imposer ses amis les Souakri. Il a également usé de son influence auprès des banques algériennes pour qu’elles financent une bonne partie de ce projet qui a nécessité un investissement dépassant les 300 millions d’euros.
Des réseaux virevoltants
Voici deux ans,le flamboyant ministre avait commencé à s’attirer les foudres de plusieurs autres hauts responsables de l’Etat algérien. Trop riche, trop puissant, trop influent….A Alger, les business florissants de son fils, de sa fille et de son épouse dérangent agacent. Au sein du clan présidentiel, le ministre de l’Industrie ne faisait plus l’unanimité. « Abdeslam est têtu et prend des décisions sans vérifier leur conformité avec l’arsenal juridique, explique-t-on chez les proches de la Présidence. Ce qui a créé des situations très inconfortables pour tout le gouvernement. L’ancien Premier ministre Sellal l’avait rappelé à l’ordre à maintes reprises. Mais, lui, il avait fait le malin et défié son autorité en laissant entendre que son seul patron est Bouteflika ».
Puissant et craint hier notamment en raison de ses réseaux à Paris, où il a toujours entretenu d’excellentes relations avec Emmanuel Macron et où il bénéficie de la nationalité française, l’ancien ministre est recherché aujourd’hui par la justice de son propre pays. Ce sont ses amis français qui lui ont conseillé, voici quelques semaines, de quitter Paris pour Beyrouth afin de ne pas mettre la diplomatie française dans l’embarras en cas de demande d’extradition. Ce qu’il a fait.
Or voici aujourd’hui Bouchouareb fait l’objet effectivement d’un mandat d’arrêt international. Aux autorités libanaises de trancher. Tel Ponce Pilate, Emmanuel Macron, peut s’en laver les mains.
En cette période troublée en Algérie, le Capitole est proche de la Roche Tarpéienne.