Avec un endettement qui frôle 100% du produit intérieur brut (PIB), le tandem formé à la tête de l’Etat par le président Bassirou Diomaye Faye et le Premier ministre Ousmane Sonko dispose actuellement de marges de manœuvre financières très limitées, notamment, pour tenir ses promesses de campagne électorale: réduction du coût de la vie, la lutte contre le chômage des jeunes, etc.
Dans ce contexte défavorable, Diomaye Faye et Sonko misent sur le pétrole, le gaz et les mines pour trouver une bouffée d’oxygène financière.
Le tandem à la tête du Sénégal compte aussi sur la baisse annoncée des salaires de certaines autorités, dont les ministres et les directeurs généraux des sociétés publiques et parapubliques. Afin de maximiser les retombées pour le trésor public, vingt sept contrats dans les secteurs des hydrocarbures et des mines signés sous le régime de l’ex-président Macky Sall sont désormais dans le viseur des autorités.
Par Ibrahima Dieng
Le dernier rapport de la Cour des Comptes qui continue de défrayer la chronique a dressé un tableau sombre de la situation économique et financière du Sénégal. Avec des marges de manœuvre encore faibles, l’une des possibilités immédiates est la révision des salaires de certaines autorités. L’annonce a été faite par le secrétaire général du Gouvernement, Mohamed Al Aminou Lô, sur la télévision nationale. Cependant, il considère qu’il ne s’agira pas de toucher aux faibles salaires. « Il ne faut pas que ça soit un tabou. Il faut un rebasing salarial. Les gens se plaignent parfois de salaires élevés, dans les agences, dans certaines directions générales, etc. Même le Premier ministre en parle. Les salaires vont diminuer quelque part », a dit M. Lô.
Selon lui, c’est simplement dire qu’il faut que ceux qui ont des salaires élevés fassent un effort temporaire ou définitif. « Les autorités le feront. Mais ce qui est clair, c’est qu’on ne va pas toucher aux petits salaires », a assuré le secrétaire général du Gouvernement. Dans le projet de budget de 2025, les dépenses de personnel ou masse salariale sont projetées à 1 485,5 milliards de FCFA contre 1 442,5 milliards de FCFA dans la LFI 2024, en hausse de 43,1 milliards de FCFA, soit une progression de 3%. Cette politique annoncée renseigne à suffisance sur l’état des finances du pays de la Teranga, près d’un an après l’élection de Bassirou Diomaye Faye à la présidence de la république.
Regard tourné vers les hydrocarbures
Avec une dette de près de 100% du Produit intérieur brut (Pib), le Sénégal n’a quasiment pas de marges de manœuvre. Ainsi, le salut pourrait provenir de l’exploitation du pétrole et du gaz. Pour le pétrole, le pays a démarré son expérience en juin, par la réserve de Sangomar. En 2024, la production annuelle de Sangomar s’est élevée à environ 16,9 millions de barils de pétrole brut, dépassant ainsi l’objectif initial de 11,7 millions de barils. Ces données relatives à la production annuelle ont été fournies le mardi 7 janvier 2024 par le ministère des Énergies et du Pétrole. Pour ce qui est des revenus financiers, les ventes ont généré environ 950 millions de dollars de revenus, soit 595,5 milliards de francs CFA.
Sangomar présente un potentiel de 100 000 barils par jour, avec un potentiel de 60 à 100 millions de pieds cubes de gaz. Au Sénégal, les ressources financières générées par les hydrocarbures sont destinées à 90% au budget de l’État. Les 10% sont déposés auprès d’un fonds intergénérationnel.
À côté du pétrole, il y a le gaz. Et son ère a également démarré avec l’exploitation du Grand Tortue Ahmeyim, le 31 décembre 2024. C’est un projet en commun accord avec le voisin mauritanien. Il est développé par l’association composée de SMH, Petrosen, bp et Kosmos Energy. Grand Tortue Ahmeyim devrait fournir environ 2,5 millions de tonnes par an de gaz naturel.
Et l’un des impacts des hydrocarbures au Sénégal devrait être la baisse du prix du carburant et de l’électricité. Pour le ministre du Pétrole et des Mines, Birame Soulèye Diop, le Gouvernement y travaille déjà. « Nous travaillons à diminuer le coût d’accès a l’électricité et du carburant. Nous travaillons avec la SENELEC. Et la même chose est en train d’être faite pour le carburant. Quand les informations sortiront les Sénégalais sauront que d’importants efforts ont été faits », a révélé Birame Soulèye Diop.
Pour lui, le Sénégal mettra à contribution toutes ses sources d’énergie pour porter le mix énergétique à 40% à l’horizon 2025 notamment avec l’exploitation gazière prévue en décembre. « Nous avons entamé la production pétrolière en juin. Dès décembre celle gazière va démarrer. Et nous allons entièrement exploiter nos ressources naturelles. L’Europe qui a bâti son développement sur l’exploitation de ses ressources ne peut pas nous imposer ses exigences alors que nous polluons moins », a martelé Birame Soulèye Diop.
Diversification de l’économie
Pour l’année 2025, la contribution des hydrocarbures au budget sénégalais est estimée à 72,53 milliards de FCFA. Cette manne financière se répartit entre le budget général et les comptes spéciaux du Trésor, tout en s’appuyant sur des hypothèses de production solides. Sur cette somme, 50,85 milliards de FCFA, soit 70 % des recettes, alimenteront directement le budget général.
Les 21,68 milliards de FCFA restants seront destinés aux comptes spéciaux du Trésor pour garantir une gestion durable des ressources. Une part de 7,25 milliards de FCFA, représentant 10 % des recettes, sera dédiée au Fonds intergénérationnel, un dispositif conçu pour préserver une fraction des revenus au profit des générations futures.
Par ailleurs, 14,43 milliards de FCFA, soit 20 % des recettes, alimenteront le Fonds de stabilisation, dont l’objectif est de protéger l’économie contre les fluctuations des marchés pétroliers et d’assurer la stabilité budgétaire. La production est projetée à 30 millions de barils de pétrole et 1,2 million de tonnes de gaz naturel liquéfié.
Au plan macroéconomique, il est espéré une croissance de 8,8 fortement portée par les hydrocarbures. Avec ces ressources, dans l’Agenda 2050, le Sénégal veut diversifier son économie. Ainsi, il est prévu de bâtir la nouvelle cité de la pétrochimie qui rassemblera de grands projets pétrochimiques avec 5 à 8 milliards de dollars d’investissements et 15 000 emplois.
À côté, le mix énergétique sera de rigueur pour notamment permettre aux Petites et moyennes industries de bénéficier d’un accès à l’électricité à faible coût. L’ambition d’ici 2050, c’est d’avoir 12 000 MW avec, dès les dix prochaines années, 4000 Mégawatts à moins de 60 francs le kWh et, dès ce mandat, une suppression des subventions et un début de réduction des prix facturés. Sans oublier le développement de bases logistiques pétrolières pour faire du Sénégal la principale plateforme de service des activités pétrolières du bassin régional.
27 contrats en renégociation
Les retombées actuelles des ressources pétrolières et minières ne sont pas du goût des autorités sénégalaises. Ainsi, une commission de renégociation des contrats a été mis en place. Aujourd’hui, 27 contrats miniers et pétroliers sont en train d’être étudiés, relus et renégociés. L’enjeu, selon le premier ministre Ousmane Sonko, est de permettre d’en tirer davantage plus de profits économiques pour l’État et des retombées pour les populations des zones d’implantation. « Kédougou par exemple dispose de l’or, du fer et du marbre, mais que le Sénégal n’en tire aucun bénéfice, car le pays ne possède ni comptoir de commercialisation de l’or ni raffinerie. Je peux vous dire ici que 27 contrats miniers seront étudiés, relus et renégociés. Le Gouvernement travaille à faire du Sénégal un hub sidérurgique et métallurgique », a dit Ousmane Sonko, premier ministre du Sénégal.
Pour le président de la République, Bassirou Diomaye Faye, il faut forcément que le Sénégal grossisse ses parts dans les différents projets. « Ma conviction est qu’on aurait mieux négocié, comme l’ont fait d’autres pays d’Afrique. Notre stratégie, c’est de voir nos pistes de négociation », a dit Bassirou Diomaye Faye lors d’un point avec la presse.
Pour lui, les résultats seront bientôt ressentis. « Actuellement, on nous dit que nous ne pouvons pas renégocier. Je vous le garantis ici, nous allons renégocier. Et vous verrez ce que nous avions avant et ce que nous avons réussi à avoir après renégociation (…) si le Mali l’a fait, avec l’aide de Sénégalais, pourquoi nous ne pourrions pas le faire ? Les Sénégalais verront d’eux-mêmes qu’il y aura renégociation », avait insisté le président Sénégalais.