Le procès Steinmetz (2eme volet): 250 lourds classeurs de procédure

À l’ouverture du procès en appel du milliardaire Beny Steinmetz, le procureur Yves Bertossa assure qu’il n’existe pas d’autres affaires internationales bénéficiant d’autant preuves de corruption. « Il ne manque que la vidéo montrant la mallette contenant du cash », ajoute le magistrat.  La procédure, malgré tout, occupe quelques 250 classeurs.         

Par Ian Hamel, à Genève

A combien de reprises le nom de Mamadie Touré va-t-il être prononcé dans la salle A3 du palais de justice de Genève entre le lundi 29 août et le mercredi 7 septembre ? Cette jeune femme – qui n’est peut-être plus si jeune que cela – est au cœur de cette affaire qui occupe la justice du canton de Genève depuis près d’une décennie. Selon l’accusation, Beny Steinmetz aurait versé entre 2006 et 2012, 8,5 millions de dollars en pots-de-vin à Mamadie Touré, la quatrième épouse du général Lansana Conté afin d’obtenir des droits d’exploitation sur les gisements de fer de Simandou.

Sur les frêles épaules de Mamadie Touré  

Le problème, c’est que cette dame, qui vit aux Etats-Unis, ne viendra pas témoigner sur les bords du lac Léman. En première instance, en janvier 2021, la veuve de l’ancien président guinéen n’avait déjà pas entrepris le déplacement.        

Interrogée par le FBI, Mamadie Touré, qui bénéfice d’un statut de témoin protégé,  a reconnu qu’elle avait bien reçu de l’argent de la part d’agents intervenant au nom de la Beny Steinmetz Group Resources (BDGR), notamment via un Français, Frédéric Cilins, également sur le banc des accusés. Ce dernier a été condamné à trois ans et six mois l’année dernière (Beny Steinmetz ayant écopé de cinq ans), tous les deux pour « corruption d’agents publics étrangers ».Le site de l’ONG Public Eye retranscrit une conversation édifiante entre Frédéric Cilins et Mamadie Touré. Évoquant des documents compromettants, il déclare à l’ancienne épouse du président guinéen : « Il faut trouver un endroit pour les suppr, pour les détruire, les détruire complètement, les brûler […] Tout ce que je te dis c’est directement de Beny […] Si tu leur dis oui j’ai touché […], tu as un très gros problème, pas un petit problème, un très gros problème ».            

Femme ou maitresse?                                                                                                                         

Le problème, le vrai, c’est qu’à la demande du FBI, Mamadie Touré portait un micro. Pour le procureur Yves Bertossa (fils de l’ancien procureur général Bernard Bertossa), c’est tout simplement « un cas d’école en matière de corruption ». En plus de 8,5 millions de dollars versés sur ses comptes via des montages et des sociétés-écrans, Mamadie Touré aurait perçu deux millions de dollars en cash, reconnaît-elle.

Seulement voilà, de son côté la défense de Beny Steinmetz assure que d’une part, Mamadie Touré n’était pas l’épouse de Lansana Conté, mais une vulgaire maîtresse. Il n’y avait donc aucune raison de lui verser des sous. D’autre part, Beny Steinmetz n’est pas le patron de son groupe… mais un simple « conseiller » de BSGR. Il est donc  totalement étranger à cette affaire. Selon un document de quinze pages distribué par la défense du milliardaire franco-israélien, le FBI aurait offert l’impunité à Mamadie Touré « si elle aide à confondre non seulement Cilins, mais celui que Confé/Soros avaient dans le viseur dès le départ : BS ». Et d’ajouter : « Au vu du contexte dans lequel Mamadie Touré témoigne à charge contre BSGR et BS, ses déclarations n’ont donc aucune valeur probante ».

Le départ de l’avocat Marc Bonnant 

En appel, la défense va-t-elle une nouvelle fois prétendre que Mamadie Touré n’était pas marié à l’ancien président Lanasana Conté, et que Beny Steinmetz n’est qu’un modeste conseiller de BSGR, sans pouvoir de décision ? Des arguments qui n’avaient guère porté chance au milliardaire en première instance. D’ailleurs, Marc Bonnant, l’avocat historique, n’est plus dans la course.

Son nom apparaissait pourtant dans la fondation liechtensteinoise Balda, qui détient la fortune de Beny Steinmetz. « J’ai échoué […] Peut-être ne fallait-il pas plaider comme ça. Peut-être faut-il être plus calme, moins rugueux, plus rétif à s’en prendre aux juges : C’était peut-être trop violent, trop personnel », reconnaît le ténor du barreau genevois dans La Tribune de Genève de lundi. Costume bleu, chemise blanche, mince, de taille moyenne, l’homme d’affaires a tenu à se montrer le plus discret possible pour cette première journée.