Le président turc Recep Tayyip Erdogan a affirmé vendredi que la suspension des relations commerciales avec Israël, annoncée la veille, visait à « forcer » le pays à accepter un cessez-le-feu dans la bande de Gaza.
« Nous avons pris certaines mesures pour forcer Israël à accepter un cessez-le-feu et à augmenter le volume d’aide humanitaire entrant (à Gaza) », a indiqué le président devant des hommes d’affaires à Istanbul. « Nous surveillerons les conséquences de la mesure que nous avons prise en coopération (…) avec nos milieux d’affaires ».
Metin Cihan, 44 ans, journaliste indépendant et exilé depuis 2020 à Berlin, recensé les navires qui transitent des ports turcs vers Israël. Un travail de fourmi consistant à amasser les données des activités navales, en accès libre sur les sites maritimes et de libre-échange, mais qui jette aujourd’hui une lumière crue sur les liens commerciaux étroits que continuent d’entretenir les deux pays, parfois même jusqu’au sommet de l’Etat.
« Les autorités turques ont beau qualifier publiquement Israël d’“Etat terroriste” et accuser les Occidentaux de “double standard”, ils n’ont absolument rien changé à leurs affaires, avance le journaliste. Les flux de marchandises, comme l’acier et le pétrole, qui alimentent pourtant la machine de guerre de Tel-Aviv, se poursuivent comme si de rien n’était, mettant en évidence l’hypocrisie et le double discours des dirigeants. »
Depuis le déclenchement des frappes, Metin Cihan a répertorié un total de 450 navires partis de Turquie vers Israël. Avec l’aide de la base de données du site Marinetraffic.com, il pointe les expéditions quotidiennes de Limak Holding, un géant industriel connu pour être lié aux cercles du pouvoir, depuis le port d’Iskenderun. Celles aussi, régulières, partant du port stambouliote Ambarli Akçansa, de l’important Sabanci Group. Sur le chantier naval de Sefine, installé au bord de la mer de Marmara et propriété de Kolin Holding, proche du gouvernement, s’effectue, selon les recherches du journaliste, la maintenance du pétrolier chargé d’acheminer le carburant aux avions de chasse israéliens.
0 force d’exploiter les données, Metin Cihan repère un navire effectuant des transports fréquents vers Israël et appartenant à un certain Ibrahim Güler, un ancien président de la formation au pouvoir, le Parti de la justice et du développement (AKP), de la province du Hatay. Il découvre aussi que l’entreprise Pamukkale Kablo, propriété de Mustafa Semerci, dirigeant fondateur du Parti de la grande union (BBP), une formation ultranationaliste d’extrême droite membre de la coalition gouvernementale, a continué, après le 7 octobre, à fournir des câbles à l’Etat hébreu. Le BBP s’était pourtant fait remarquer ces dernières semaines pour ses appels au boycott d’Israël dans son ensemble et ses descentes musclées contre des cafés Starbucks, pris pour cible pour leur soutien supposé à Tel-Aviv.