Pour l’expert de finances publiques et contributeur de Mondafrique Olivier Vallée, la loi de finances pour l’année budgétaire 2024, promulguée par le Niger le 11 janvier, traduit une volonté de rupture. Et cela malgré les contraintes fortes des sanctions financières internationales.
Chaque budget annuel d’un État reste une épreuve, comme le rappelle en France le recours à l’article 49-3. Dans la nouvelle configuration du pouvoir au Niger, la promulgation, le 11 janvier 2024, de la loi de finances relevait de la prouesse. En effet, dès le coup d’État du 26 juillet 2023, la colère jupitérienne du Président français déclenche un processus d’asphyxie financière et économique du pays. Les sanctions commerciales et financières prises dès le 30 juillet par les organisations régionales ouest-africaines (la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest CEDEAO et l’Union économique et monétaire ouest-africaine UEMOA), ont été immédiatement suivies de l’interruption ou de la suspension de la plupart des financements extérieurs.
Les finances publiques ont été les premières affectées, en particulier pour la solde des fonctionnaires qui ne coïncide pas avec les rentrées fiscales et douanières, le Trésor public n’ayant plus accès au marché financier régional pour financer le budget et ne pouvant plus effectuer de transactions bancaires à travers le réseau de la Banque Centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO). De plus l’UEMOA a ordonné aux institutions financières de fournir les preuves de l’application de ces mesures avant la fin du mois d’août : il n’y aura pas de cadeau pour le deuxième semestre de l’exercice budgétaire 2023.
Le nouveau gouvernement comprend vite que sa survie politique va dépendre de la trésorerie qu’il va pouvoir mobiliser en dehors du circuit habituel des émissions de bons du Trésor et des avances des banques commerciales.
Le gouvernement nigérien exige des contribuables qu’ils paient leurs impôts et taxes en espèces dans les bureaux des impôts et des douanes tandis que les paiements des clients des services publics sont également effectués en espèces. Certains fournisseurs décisifs du secteur public continuent à faire ce qu’ils font depuis des décennies : livrer sans être payés immédiatement, mais en facturant au prix fort.
Un tableau d’épouvante
Avec une certaine joie malsaine, la Banque mondiale et le Programme Alimentaire Mondial (PAM) produisent en octobre 2023 un rapport démoralisant intitulé : « Crise au Niger – analyse préliminaire des impacts ». Les auteurs du rapport estiment alors qu’environ 6,45% du PIB du financement du développement (1,17 milliard de dollars) ne sera pas versé en 2023 en raison de la crise politique. Les institutions d’aide sont aussi des créanciers. Or, à cause des sanctions, le Niger ne peut plus payer ses dettes aux partenaires de développement. Cette situation va entraîner des arriérés qui pourraient conduire à la suspension formelle des décaissements. La Banque mondiale et le PAM menacent : « Une suspension pour cause d’arriérés peut entraîner une période plus longue de « non-décaissement ».
Le chantier du barrage de Kandadji et sa centrale hydroélectrique pourraient ainsi se trouver entièrement bloqués. Le même rapport prédit des pénuries de médicaments et des retards dans les investissements et les réformes visant à renforcer le système de santé ainsi que dans le système scolaire. Deux millions d’enfants pourraient se voir privés d’école, écrivent les auteurs.
Ce scénario apocalyptique fait mine d’ignorer que, depuis des années, les budgets de l’État vont en priorité aux dépenses militaires, émaillées de scandales retentissants, ainsi qu’au remboursement de la dette publique qui n’a cessé de croître, tant vis-à-vis de l’extérieur que des créanciers intérieurs.
Les nouveaux responsables nigériens se devaient de présenter une loi de finances réaliste, seul cadre lisible des orientations à venir pour de nouveaux partenaires extérieurs et intérieurs qui vont suppléer à la punition financière orchestrée par Paris.
Le passif de la gestion Bazoum
Un budget, y compris après un coup d’État, ne se bâtit pas ex-nihilo. C’est un exercice bureaucratique très encadré et qui est l’occasion pour ses principaux artisans de nombreuses heures de travail et de primes. Le budget du Niger obéit aussi à une nomenclature stricte inscrite dans la loi organique des lois de finances (LOLF), inspirée du modèle français.
À la manœuvre, deux orfèvres : le Premier ministre, ministre de l’Economie et des Finances, Ali Lamine Zeine, et son ministre délégué, Moumouni Boubacar Saidou, tous deux anciens hauts-fonctionnaires du ministère des Finances à l’aise dans cette procédure. Cependant, ils doivent composer avec une administration détériorée. Peu de jours avant le renversement du Président Bazoum, le ministre des Finances en fonction, le Dr Ahmat Jidoud, a dû accepter d’être flanqué d’un nouveau ministre délégué chargé du Budget, le Dr. Ahmet Assalek. « Les Échos du Niger » écrivent alors : « Le nouveau ministre délégué aura la lourde tâche d’œuvrer afin que le ministère des Finances, souvent perçu comme corrompu, retrouve ses lettres de crédibilité auprès de la population.»
La corruption généralisée au ministère des Finances est l’un des facteurs de la chute du régime de Bazoum. Le Premier ministre Lamine Zeine devait donc, à l’occasion du budget 2024, envoyer des messages à la fois à son opinion, mais aussi à la communauté internationale.
Le FMI ignoré ou presque
Manipulé par ses administrateurs français et africains, le Fonds Monétaire International (FMI) comptait bien, lors de la promulgation de la loi de finances 2024, imposer son cadrage budgétaire, comme il le fait chaque année. Cette fois, le Premier ministre a écrit à la directrice générale du FMI pour lui annoncer qu’il déciderait de son budget sans l’habituelle mission qui calcule le « gap » de financement et décide des moyens de le combler.
Le Niger bénéficie des pronostics favorables des institutions internationales, FMI, Banque mondiale et Banque africaine de développement (BAD)
La croissance économique du Niger pourrait atteindre 10 % en 2024, grâce notamment à la production pétrolière, mais aussi à la poursuite des investissements dans l’agriculture et les infrastructures ainsi qu’à l’augmentation des investissements directs étrangers (IDE). En échange, les partenaires occidentaux du Niger entendaient bien imposer leurs options. Le Niger est lucide sur le fait qu’une page est tournée avec l’Union européenne et ses États membres, dont la France. Les Européens ne font plus de prêts à conditions préférentielles pour les équipements structurants régionaux dont le Sahel a besoin et d’autres partenaires étaient déjà sollicités avant le coup d’Etat. La nouvelle équipe au pouvoir à Niamey cherche à sortir de la nasse financière où l’Occident tente de l’enfermer avec le concours de la Turquie, de l’Inde, de la Libye, du Congo Brazzaville, de la Russie, de l’Iran et du Maroc. Outre la poursuite de la coopération dans de nombreux domaines avec ces pays du Sud global, elle en attend des appuis en trésorerie et de nature budgétaire.
La charge fiscale allégée
Le budget 2024, avec un montant de 2500 milliards de FCFA, est inférieur de 1000 milliards au budget voté par l’Assemblée nationale du Président déchu. Ce budget prend acte de la chute des financements extérieurs provoquée par la rupture de la coopération de l’UE, décidée par Josep Borrel à l’instigation du Président Macron. La charge de la dette est également automatiquement revue à la baisse suite à la fermeture de l’accès au marché régional des capitaux.
Le souci de relancer la croissance en 2024, en tenant compte des efforts fournis par les entreprises nationales pendant le blocus ordonné contre le pays, se traduit par une série de mesures d’allègement de la charge fiscale et douanière : exonérations, déductibilité, réductions et retenue sur certains impôts et taxes.
En matière de financement solidaire des groupes vulnérables et des victimes de la guerre, la loi de finances 2024 entend orienter les fonds publics nationaux vers le « Waqf », un véhicule de la finance islamique lancé par la Banque Islamique de Développement (BID) pour lutter contre la pauvreté, réduire les inégalités sociales et ainsi améliorer le bien-être des populations. Le Fonds de solidarité pour la sauvegarde de la Patrie et le Fonds National du Développement du Sport marquent la volonté de compenser le retrait d’ONG internationales et nationales qui absorbaient depuis des années les financements européens et bilatéraux en prélevant de lourds frais de gestion. Enfin, l’État entend poursuivre la modernisation des systèmes informatisés de suivi de l’exécution du budget et des marchés publics de manière à ne pas reproduire les pratiques passées d’attribution de commandes sans appels d’offres.
S’il s’inscrit officiellement dans les orientations politiques du Programme de Résilience pour la Sauvegarde de la Patrie (PRSP), ce budget prolonge, en réalité, les objectifs macroéconomiques fixés dans le cadre du partenariat minier et pétrolier scellé entre le Niger et la Chine il y a plus de dix ans. Les ressources en liquidités pour l’exécution de ce budget demandent à présent une quête assidue de financements d’avances et de prêts auprès de partenaires bilatéraux du Sud global, y compris des États africains.
Il y’a trop et trop D’incohérences dans ces propos tantôt asphyxié tantôt une croissance de 10% franchement de qui se moque t’on
Toujour intéressant d’avoir un autre point de vue mais attention à force d’exageration et en appuyant trop de contres vérités, la suspicion saute aux yeux
Vous pensez vraiment que vous écrivez soit crédible ?
Vous pensez vraiment que le France manipule tout le monde de en Europe et en Afrique.
Soyons réaliste, tout d’abord la France n’a pas les moyens que vous lui prétendez avoir et surtout n’en a plus envie. Les pays africains ont le choix de leur propre orientations et la France n’en est pas responsable. La décolonisation a plus de 60 ans et les nouveaux colonisateurs sans scrupules et les nouveaux pilleurs s’appellent désormais la Russie et dans une moindre mesure la Chine.
Bon courage pour une nouvelle étape de recolonisation de l’Afrique
La France est partie du Niger, c’est un ouf de soulagement pour l’économie nigerienne; et comme par magie les pays qui imposent les sanctions voient leurs économies chuter. Mais plus, le cas de la France inquiète.