Le gaz de schiste algérien, la boite à pandore

Une étude sur les gaz de schiste a été réalisée avec l’assistance des cadres du ministère  de l’Energie , de Sonatrach  et des experts indépendants   et remise aux autorités en 2015 sous le titre  « opportunités et risques ». Les gisements en Algérie sont estimés à  19.800 milliards de mètres cubes gazeux (sur 207 billions de mètres cubes dans le monde). 4500 milliards sont rentables qui sont situés essentiellement dans les bassins de Mouydir, Ahnet, Berkine-Ghadames, Timimoun, Reggane et Tindouf.

Voici les dix conditions nécessaires pour une exploitation raationnelle de cette immense ressource 

Abderrahmane Mebtoul, Professeur des Université, Expert international directeur d’études 1974/2015 Ministère Energie/Sonatrach ayant dirigé durant cette période quatre audits


Premièrement, la   technique de la fracturation hydraulique, consiste  à injecter un fluide consistant d’environ 90% d’eau, 8 à 9,5% de « proppants » (sable ou billes de céramique) et 0,5 à 2% d’additifs chimiques – sous très haute pression afin d’augmenter la désorption du gaz.

Deuxièmement : la rentabilité du gaz de schiste implique de la comparer à la structure des prix actuels au niveau international, prix très volatil ayant fluctué entre janvier et juin  2024 entre 28 et 50 dollars le mégawattheure expliquant pour l’instant la préférence des contrats à moyen et long terme, ne pouvant pas parler d’un marché de gaz comme celui du pétrole, (marché segmenté géographiquement) les canalisations représentant en 2023 environ 65% de la commercialisation, mondiale, le GNL donnant plus d’autonomie dont le prix est supérieur de 2 à 3 dollars supérieur au GN allant vers 50% horizon 2030.


Troisièmement : le gaz de schiste est concurrencé par d’autres énergies substituables et que les normes internationales donnent un coefficient de récupération moyen de 15/20% et exceptionnellement 30%, pouvant découvrir des milliers de gisements mais non rentables financièrement, les réserves se calculent selon le couple prix international des énergies et coût.


Quatrièmement : il faut perforer des centaines de puits pour avoir 1 à 2 milliards de mètres cubes gazeux par an, plus de 1000 puits pour dépasser plusieurs dizaines de milliards de mètres cubes gazeux, chaque puits ayant un volume de production spécifique.


Cinquièmement : la durée de vie d’un puits ne dépasse pas cinq années devant se déplacer vers d’autres sites assistant à un perforage sur un espace déterminé comme un morceau de gruyère. Sixièmement, pour s’aligner sur le prix de cession actuel, devant tenir compte de la profondeur pour la technique traditionnelle de la fracturation hydraulique , le coût n’est pas le même pour 600 mètres ou 2000/3000 mètres supposant le bétonnage.


Septièmement : l’exploitation de ce gaz, pour la fracturation hydraulique implique de prendre en compte la forte consommation d’eau douce, et en cas d’eau saumâtre, il faut des unités de dessalement extrêmement coûteuses, autant que les techniques de recyclage de l’eau.


Huitièmement : il s’agit de prévoir les effets nocifs sur l’environnement, (émission de gaz à effet de serre), la fracturation des roches pouvant conduire à un déséquilibre spatial et écologique. Et en cas de non maîtrise technologique, elle peut infecter les nappes phréatiques au Sud, l’eau devenant impropre à la consommation avec des risques de maladies comme le cancer.

Neuvièmement : peu de pays excepté les USA, maîtrisent, cette technologie, des négociations étant en cours avec Exxon Mobil, avec des lettres d’intention mais pas d’accords définitifs, et donc un co-partenariat incluant des clauses restrictives avec d’importantes pénalités en cas de non-respect de l’environnement et la formation des Algériens pour tout opérateur étranger.

Dixièmement, afin d’éviter les effets négatifs de la fracturation hydraulique, l’Algérie doit, selon l’étude menée sous ma direction, améliorer  la technique de la fracturation hydraulique et  entrevoir d’autres techniques maîtrisées  qui pourraient protéger l’environnement, économiser l’eau et les produits chimiques. Les  recherches actuelles, notamment aux USA, s’orientent sur la réduction de la consommation d’eau, le traitement des eaux de surface, l’empreinte au sol, ainsi que la gestion des risques sismiques induits.

L’utilisation des gaz liquides permet de se passer complètement ou en grande partie d’eau et d’additifs. Pour les mousses, par exemple, la réduction est de 80 % du volume d’eau nécessaire étant gélifiées à l’aide de dérivés de la gomme de Guar. La fracturation au gel de propane est en cours d’utilisation au Canada et aux États-Unis   afin que l’eau puisse   être remplacée par du propane pur (non-inflammable), ce qui permettrait. 

 

En conclusion, la question de l’exploitation du gaz de schiste doit être l’objet d’un débat reposant sur les arguments, pour ou contre , des experts de l’énergie et non aux généralistes qui ne connaissent pas ce dossier complexe et en associant la société civile dont les association chargées de la protection de l’environnement tenant compte des impacts du réchauffement climatique. C’est une décision hautement politique qui relève du conseil national de l’énergie institution placée  sous l’autorité du président de la république  ademmebtoul@gmail.com

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)