La vulnérabilité du gaz algérien vers l’Europe via la Tunisie

La Tunisie est un hub capital pour l’Algérie, qui fait transiter par ce pays ses exportations de gaz pour l’Europe, en forte augmentation depuis le ralentissement des approvisionnements russes. Un rapport récent attire l’attention sur la vulnérabilité de l’étape tunisienne de ce gazoduc algérien vital pour la Sonatrach algérienne et pour les pays européens approvisionnés par Alger. 

L’Italie et sa compagnie pétrolière nationale ENI, fidèle partisan de l’indépendance de l’Algérie, avaient anticipé l’apport décisif de cette ressource gazière pour son industrie reconstruite après la seconde guerre mondiale. Le gazoduc « Enrico Mattei » (du nom du fondateur d’ENI), aussi baptisé Transmed, est né de la coopération entre la Sonatrach et ENI le 22 octobre 1977.

Après un périple terrestre qui l’emmène du Sahara algérien au Cap Bon en Tunisie, l’ouvrage émerge en Sicile, parcourt toute la péninsule italienne avant de rejoindre la Slovénie, sur une longueur de 2 484 km. La distance parcourue sous la mer est de 170 km avec une profondeur maximale de 610 mètres. Le gazoduc Transmed a représenté la première phase d’un réseau de gazoducs qui relient l’Algérie aux principaux consommateurs européens, en nombre croissant.

Le gaz circule dans les canalisations sous l’effet de stations de compression qui veillent à la constance du flux tout le long du trajet. En comprimant le gaz ou le pétrole, ces stations permettent son transport sur de longues distances, malgré la chute de pression naturelle qui se produit en cours de route. Le tronçon tunisien du Transmed compte cinq stations de compression. 

La société tunisienne Sergaz critiquée 

Un rapport tout récent de Geoff D. Porter pour North African Risk Consulting (NARCO) estime que l’étape tunisienne de ce gazoduc, devenu vitale pour l’Union Européenne, s’avère lourde de menaces. La compagnie nationale tunisienne SERGAZ (Société de service du gazoduc transtunisien), en charge de la gestion des stations de compression, a suscité la colère des riverains, qui réclament une indemnisation pour la saisie de leurs terres et déplorent l’absence d’infrastructures sanitaires et scolaires permettant de compenser l’absence de l’État dans la province de Kasserine. Cette région des oubliés de la révolution est, de plus, confrontée à l’afflux de migrants avec des drames qui bouleversent l’opinion tunisienne.

Des groupes armés menaçants

D’après la note de NARCO, SERGAZ ne serait pas non plus irréprochable dans la maintenance des stations de compression, tandis que les forces de sécurité tunisiennes, en dehors de la base antiterroriste de Sbeitla, ne seraient pas à même de résister à des attaques de groupes armés. Le chaos libyen permet en effet à Aqmi, via des frontières poreuses, d’être présent en Tunisie via la brigade Oqba ibn Nafi, qui attaque régulièrement policiers et soldats. 

Toute interruption de l’acheminement du gaz serait dévastatrice pour l’Union Européenne, pour l’Algérie et pour la Tunisie : à travers SERGAZ, Tunis encaisse des droits de passage mais surtout un quota de gaz qui lui assure 90% de ses besoins énergétiques.