Clap de fin sur le sommet consacré aux économies africaines qui a eu lieu les 17 et 18 mai à Paris. Sur la forme comme sur le fond, ce nouveau grand raout aura été un fiasco magistral à l’image de la politique africaine d’Emmanuel Macron.
N’est pas Mitterrand qui veut, l’ancien président socialiste est resté dans les manuels d’histoire de l’Afrique francophone avec le sommet de la Baule de 1990. Est-ce qu’une seule des grandes réunions internationales convoquées par Emmanuel Macron passera à la postérité ? Aucune et a fortiori par celle-ci.
Ancien monde, vieille ficelle
Officiellement Emmanuel Macron a organisé ce sommet « pour aider l’Afrique à faire face à la récession » consécutive à la pandémie de Covid 19, les maitres mots étant « urgence », « ambition », « new deal » pour « sauver les économies africaines. » Comme toujours avec l’actuel locataire du château, il s’agissait d’innover et surtout ne pas dupliquer « les recettes des années 60 ». En réalité, dans l’habillage comme dans les propositions, il a fait bien pire et a renvoyé aux peuples africains l’image délavée d’une France arrogante, impuissante et déconnectée des réalités du continent.
Sur la forme, la première erreur majeure a été le sommet en lui-même, ce n’était bien évidemment pas à l’ancienne puissance coloniale d’organiser « le sauvetage » de l’Afrique, mais à l’Union africaine et aux organisations sous-régionale, CEDEAO, CEMAC, SADEC. Ce seul fait a profondément irrité les citoyens de ces Etats, qui sont devenus au fil des ans de plus en plus sensibles aux questions d’ingérence. Cette réunion a, en outre, contribué à démonétiser un peu plus l’Union africaine et les Chefs d’Etat qui s’y sont rendus aux yeux de leurs compatriotes.
La seconde erreur est d’avoir invité les personnalités dans l’opacité la plus totale ce qui a créé une forte suspicion. En effet, aucune liste des chefs d’Etat africain présents à ce Sommet n’a été publiée, seuls figurent au bas de la déclaration finale les noms des 27 pays africains représentés. Aucune photo de classe à la fin de la conférence comme il est d’usage dans ce genre de grande réunion internationale. On a cherché en vain, en regardant les chaines d’infos en continue des images de la salle de réunion. Lors du dîner organisé à l’Elysée le 17 au soir, Emmanuel Macron et son épouse sont apparus sur le perron avec seulement quelques-uns des invités triés sur le volet.
Que fallait-il cacher ? L’échec de cette initiative où seulement une petite quinzaine de chefs d’Etats se sont déplacés sur les 55 que compte le Continent. Fallait-il éviter les photos « d’embrassades » entre le président français et des chefs d’Etat « démocratiquement » peu recommandables ? Ou encore s’agissait-il d’éviter des manifestations de la diaspora devant le palais de la découverte éphémère ? Cela expliquerait la densité de policiers sur le Champ de Mars présents pendant trois jours ainsi que la fermeture de tous les métros proches de l’Ecole militaire, comme si en cette période de restrictions les Parisiens avaient besoin d’être un peu plus brimés.
Circulez, aucune décision en vue
Lors de ce sommet Emmanuel Macron a donc plaidé pour l’urgence et l’ambition. Pour l’urgence, il faudra attendre les prochains sommets des G7 et G20, car au final, dans l’enceinte du palais éphémère, aucune décision n’a été prise ! Quant à l’ambition, elle a été largement revue à la baisse. Qui se souvient qu’il y a un an, en avril 2020, plus fort de la pandémie, le Secrétaire général des Nations Unies, annonçait qu’il fallait 3000 milliards de dollars pour aider les pays du Sud et que le FMI avait la capacité de prêter 1000 milliards ? Un an, plus tard, selon le FMI l’Afrique aurait besoin de 295 milliards de dollars d’ici 2023, selon Emmanuel Macron le chiffre s’élève à 400 milliards. C’est encore peu si on compare avec le plan de relance européen qui se monte à 750 milliards d’euros pour 27 Etats. La réalité sera encore plus pauvre, puisqu’à la fin de la conférence Emmanuel Macron « visait » 100 milliards seulement avec la réallocation des droits de tirages spéciaux (DTS) ! Et encore n’était-ce qu’un vœux… pieux ?
Le président français a également plaidé pour les partenariats publics privés, ces fameux PPP dénoncés en France depuis des années par la Cour des Comptes « pour leur coût supérieur aux investissements publics directs, l’aggravation de la pauvreté et les inégalités d’accès. » Qu’à cela ne tienne, dans le compte rendu final du sommet du Champ de Mars, pour sauver l’Afrique et l’aider à « financer des politiques publiques clés pour une croissance inclusive et durable, telles que l’éducation, la santé, la protection sociale et les infrastructures », rien de mieux qu’un PPP. Selon deux économistes publiés par le Grand Continent, la doctrine Macron en Afrique est « une bombe à retardement budgétaire » !
Vous avez aimé les plans d’ajustements structurels des années 1980 qui ont conduit le continent dans la situation où il se trouve, vous allez adorer les partenariats publics-privés !