Vers une crise grave en Guinée au lendemain de la présidentielle

Alors que le dépouillement du scrutin présidentiel de dimanche se poursuit, l’opposant historique du régime, Cellou Dalein Diallo, a annoncé sa victoire sans attendre, sur la base du décompte des voix effectué par les représentants de son parti dans les bureaux de vote.

« Malgré les graves anomalies qui ont entaché le bon déroulement du scrutin du 18 octobre et au vu des résultats sortis des urnes, je sors victorieux de cette élection dès le premier tour », a-t-il déclaré. Dans le même élan, il a invité « tous (ses) compatriotes épris de paix et de justice à rester vigilants et mobilisés pour défendre cette victoire de la démocratie. »

Il a, naturellement, été aussitôt dénoncé par le président de la Commission Electorale nationale Indépendante, dont le porte-parole a rappelé qu’elle était « la seule institution habilitée à proclamer les résultats provisoires. »

Dès le lendemain de l’élection, les réseaux sociaux ont relayé des accusations de fraude, des témoignages rapportant que des militaires avaient emporté des urnes avant le dépouillement et des images de bulletins de vote en faveur de l’opposant, marqués d’une croix à côté de sa photo sur le bulletin unique, retirés du décompte et jetés dans des caniveaux ainsi que des images de représentants du parti au pouvoir remplissant des bulletins de vote vierges pour bourrer les urnes.

Alors que des Guinéens se rassemblaient spontanément dans les quartiers acquis à l’opposition pour fêter la victoire de leur candidat, les forces de sécurité ont à nouveau tiré sur la foule, comme cela semble, malheureusement, être devenu l’habitude dans ce pays.

Amnesty dénonce les meurtres de manifestants en Guinée

Selon plusieurs sources, trois adolescents ont été tués par balles, ayant reçu des projectiles en pleine tête, et d’autres ont été blessés. Cellou Dalein Diallo a condamné « avec la plus grande fermeté ces nouveaux crimes à mettre à l’actif d’Alpha Condé. »

Le candidat de l’Union des Forces Démocratiques de Guinée semble décidé à forcer le destin, alors que les équilibres qui ont permis à son adversaire de remporter déjà par deux fois la présidentielle paraissent avoir bougé sensiblement. Battu à deux reprises lors de scrutins douteux, Cellou Dalein Diallo est conscient d’avoir tout l’appareil électoral contre lui, à commencer à par la CENI et la Cour Constitutionnelle acquises au Président actuel.

Sans surprise, la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest, l’Union Africaine et les Nations Unies ont dénoncé cette proclamation unilatérale hors du cadre officiel. Elles ont appelé au calme, à la retenue et se sont félicité du « déroulement globalement pacifique du vote. »

Si la communauté internationale n’approuve pas le troisième mandat d’Alpha Condé, elle ne s’est pas non plus mobilisée contre lui, la Guinée ne figurant pas en tête de ses préoccupations. Tout juste, ne souhaitant pas se compromettre dans une élection gênante, l’Organisation internationale de la Francophonie et l’Union européenne ont décidé de ne pas envoyer d’observateurs électoraux.

Mais la crise qui s’annonce à grande vitesse  va peut-être obliger la diplomatie internationale à faire, pour une fois, preuve de courage.