Jean-Claude de Thandt, proche collaborateur de Hervé Bourges du temps où celui-ci dirigeait Radio France Internationale, se souvient dans Valeurs Actuelles du temps où son ancien directeur, décédé dimanche à l’âge de 86 ans, se passionnait pour le continent africain, et tout particulièrement l’Algérie.
« Dans les années 80, en qualité de rédacteur en chef adjoint de Radio France Internationale j’étais l’un des proches collaborateurs de Hervé Bourges, alors directeur de RFI. J’ai le souvenir d’un directeur à poigne, déterminé, véritable bourreau de travail, en permanence à son bureau ou en studio y compris le dimanche. Il faut dire que RFI passait à la vitesse supérieure ! Hervé Bourges pouvait compter sur son grand ami Pierre Mauroy, Premier ministre socialiste de l’époque et maire de Lille. Les deux hommes s’étaient liés d’amitié au temps où Hervé Bourges dirigeait l’Ecole Supérieure de Journalisme de Lille. Pour RFI, Hervé Bourges nourrissait de grandes ambitions, il sera suivi : Plusieurs dizaines de journalistes seront recrutés et la vocation mondiale de la chaine renforcée.
« L’Afrique, continent de l’avenir »
En apparence réservé, distant, journaliste dans l’âme, Hervé Bourges était un grand professionnel de l’info, ouvert au dialogue avec ses rédactions. Passionné de l’Afrique, de sa culture, de ses traditions et de son évolution, Hervé Bourges affirmait « l’Afrique est le continent de l’avenir ! ». Lui-même avait vécu pendant 6 ans au Cameroun.
Aux côtés de Jean-Pierre Roux, premier rédacteur en chef de RFI, il fonda l’Ecole Supérieure de Journalisme de Yaoundé, une grande première alors en Afrique. En décembre 2017, Hervé Bourges m’avait accordé un entretien pour l’hebdomadaire Le Journal de la Corse à l’occasion de la publication de son dernier ouvrage Le Dictionnaire Amoureux de l’Afrique.
Le Président Bouteflika, faiseur de paix
A ma question sur la politique du Président algérien Bouteflika, contesté par la majorité de ses compatriotes, Hervé Bourges s’était fait l’avocat du leader algérien : « Le Président Bouteflika a mis fin, me dit-il, à une guerre de près de dix ans contre le terrorisme islamique dans les années 90, un conflit qui a fait près de deux cent mille victimes et mis en œuvre une politique de réconciliation ajoutant, Il ne faut pas sous-estimer, non plus, la croissance de l’économie algérienne de ces dix dernières années même si elle doit affronter aujourd’hui les conséquences de la chute du pétrole. Il ne faut pas, me dit-il, non plus oublier le recul de 20 % du taux de pauvreté en vingt ans même si le chômage touche aujourd’hui encore 10 % de sa population. »
Né voici 86 ans à Rennes, on sait à quel point Hervé Bourges, ce franco-algérien avait l’Algérie chevillée au corps. Ne fut-il pas le conseiller du premier Président de l’Algérie indépendante Ahmed Ben Bella à qui à qui il présenta, dans les années 80, à la Maison de la Radio, les journalistes de RFI ? L’occasion bien sûr d’évoquer le passé, le présent et l’avenir de ce grand pays.
La tentation de l’autodestruction
Le futur de l’Algérie, cette question préoccupait Hervé Bourges. En décembre 2017, lors de mon dernier entretien avec lui il me répondit : « Il faut souhaiter que l’Algérie dépasse une rhétorique anticoloniale et une pratique de l’autodestruction pour s’atteler aux progrès économiques, sociaux et sociétaux dans un phénomène mondial de mondialisation. Il faut former le vœu, concluait-il, que la transition se déroule sans heurts excessifs et que ceux qui détiendront le pouvoir réussissent à atténuer le choc de la crise pétrolière et à contenir la résurgence de l’intégrisme islamique dans une société qui ne supporte plus les inégalités et la corruption ».