MBS superstar (volet 3), les Saoudiens en ordre de marche

La transformation d’un pays de rentiers pieux en salariés anonymes qui vont au bureau aurait dû passer par des réformes au long cours. Mais MBS est un homme pressé.

L’après pétrole a déjà commencé et la transformation de l’Arabie saoudite – à marches forcées – aussi. Ce pays radical et conservateur, qui pratiquait l’esclavage jusque dans les années 1960, fermé au monde, riche en interdictions et pauvre en libertés individuelles subit depuis 2016, une série de chocs culturels qui le secouent dans ses profondeurs.

« Saudi Vision 2030 »

Le 25 avril 2016, le plan « Saudi Vision 2030 » a été rendu public par Mohammed ben Salmane. Ce plan ne laisse place à aucune discussion. Il prévoit de diminuer fortement les dépenses publiques, en réduisant notamment les subventions à la consommation d’électricité et d’eau, tout en augmentant les prix du carburant de près de 40 %. Ce plan prévoit aussi la vente de 5 % de la compagnie d’hydrocarbures Saudi Aramco pour multiplier les investissements hors du secteur énergétique et financer.

« Saudi Vision 2030 » bouscule également en profondeur une société structurée depuis des siècles par un Islam conservateur. Ainsi, le système éducatif valorise désormais moins les connaissances de chacun sur le Coran et plus des savoirs en accord avec les besoins du marché. Il ne s’agit plus de fabriquer de bons musulmans, mais de donner aux jeunes les compétences nécessaires aux emplois de demain, tout en créant des opportunités économiques pour l’entrepreneur, la petite entreprise comme la grande société.

Pour MBS, l’Arabie Saoudite doit devenir une immense Californie, Silicon Valley incluse.

Ainsi, en mai 2016, l’Autorité générale pour le divertissement (sic) a annoncé par décret royal un plan d’investissement de 2 milliards de dollars. En avril 2017, le gouvernement saoudien a communiqué sur la construction d’un complexe sportif, culturel et de divertissement de 334 kilomètres carrés au sud-ouest de Riyad. Le projet comprendra un parc à thème Six Flags, dont l’ouverture est prévue en 2022. Le but est d’accroitre le nombre de touristes. D’ici 2030, le Royaume prévoit que le tourisme représente 10 % du PIB (contre 3 % actuellement), créant au moins un million de nouveaux emplois

Place à une jeunesse « moderne »

En mai 2017 à Riyad, le premier concert public de musique en direct depuis plus de 25 ans a lieu, avec le musicien de country américain Toby Keith et le chanteur saoudien Rabeh Sager.

Pour la première fois en 2017, les femmes ont été autorisées à entrer dans le stade international du Roi-Fahd de Riyad.

Le 5 mars 2018, l’Autorité générale des sports annonce un partenariat de 10 ans avec la Fédération mondiale de Catch (Wolrd Wrestling Entertainment, WWE) pour organiser des événements annuels de pay-per-view en Arabie saoudite. Le 27 avril 2018, des matches de catch féminin ont été organisés.

Le 18 avril 2018, Riyad a inauguré les premières salles de cinéma appartenant à la chaîne américaine AMC Theatres. En décembre 2019, le festival de musique MDL Beast a attiré 200 000 visiteurs sur trois jours à Ryadh.

En janvier 2020, l’Arabie saoudite a dévoilé son projet de construction d’un nouveau circuit de course automobile à Qiddiya, conçu par l’ancien pilote de Formule 1 Alexander Wurz, visant à accueillir des épreuves de F1 ou de MotoGP dès 2023.

Downtown, Riyadh Skyline, King Abdullah Financial District, Saudi Arabia

L’architecture, un rôle clé 

Si l’on veut rendre une population malléable, il faut bousculer ses repères. Telle est la fonction de l’architecture en Arabie Saoudite nouvelle. Neom est un projet de ville nouvelle futuriste dans la province de Tabuk, dans le Nord-Ouest du royaume. Cette ville unique au monde sera construite d’un seul bloc et aura une longueur de 170 km et sera située entre la mer Rouge et des montagnes culminant à plus de 2 500 m, à proximité de la Jordanie, de l’Égypte et d’Israël.

Le projet a été annoncé en 2017 dans le cadre du plan Vision 2030. Son nom résulte de l’association de neo (nouveau, en grec) et de m pour moustaqbal (futur, en arabe).

En plein cœur du désert, Neom aurait une superficie de 26 000 km2 à 26 500 km2 et coûterait plus de 500 milliards de dollars. L’occupation au sol de la ville serait d’à peine 34 km2. Neom empiète sur l’ancien royaume du Hedjaz et forcera quelque 20 000 membres de la tribu des Howeitat à quitter un territoire que cette tribu occupe depuis des siècles3.

Entre révolution architecturale et révolution sociétale, le Saoudien nouveau n’a pas d’autre choix que de suivre et de créer de la richesse, plutôt que de dépenser celle de l’Etat

Le bras de fer avec Biden 

Maitre chez lui désormais, reste en position difficile face à l’impérialisme iranien. Tout comme Israël subit la pression des milices à la solde de Téhéran (Hezbollah au Liban, Hamas et Djihad islamique palestinien à Gaza), l’Arabie Saoudite a subi la pression des milices Houthis du Yémen, armées et financées par Téhéran.

En 2015, au moment ou Barack Obama tentait de conclure un « deal » sur le nucléaire avec l’Iran, les Saoudiens ont vu surgir une menace militaire à leur porte: les Iraniens alliés aux Houthis du Yémen menaçaient les frontières de l’Arabie Saoudite.  gL’opposition des Etats Unis à l’entrée en guerre saoudienne contre les Houthis s’expliquait par la volonté de Barack Obama de se rapprocher de l’Iran. Du coup, la guerre civile au Yémen s’est éternisée. Les Saoudiens ont vu leurs aéroports et leurs installations pétrolières bombardées par des missiles de croisière et des drones iraniens, lancés tantôt du Yémen, tantôt depuis le territoire iranien. Comment sortir de cet engrenage?

Donald Trump qui avait noué une relation forte avec la monarchie séoudienne perd les élections, Jo Biden est élu. L’une de ses premières décisions a été de retirer les Houthis de la liste des organisations terroristes étrangères du département d’État. Le même Joe Biden n’a pas eu de mots assez durs pour condamner le meurtre du journalsite et opposant Jamal Khashoggi par les sbires de MBS.

Un virage à 180 degrés? Pas sur !

Bref, le tout puissant prince héritier d’Arabie Saoudite s’est retrouvé isolé. L’administration démocrate ayant refusé toutes les demandes de l’Arabie Saoudite (garantir la sécurité du royaume, aider les Saoudiens à jeter les bases d’une industrie nucléaire civile et ouvrir sans restrictions leur catalogue d’armes au chéquier de l’Etat saoudien), MBS s’est jeté dans les bras de la Chine. A la grande stupéfaction de l’administration américaine, MBS s’est rapproché des Iraniens. Les deux ennemis ont rétabli des relations diplomatiques.

Pour la plupart des observateurs, l’Arabie Saoudite compte sur les Chinois pour gagner du temps. L’Iran et l’Arabie Saoudite ont vocation à dominer le Moyen Orient. Or il ne peut y avoir qu’un seul gagnant. Chacun attend son heure. Demai,; l’Arabie Saoudite pourrait envoyer un signal d’indépendance politique en se rapprochant d’Israë. Il n’est pas exclu que l’Iran tente de fermer le jeu en ouvrant un conflit avec Israël.

Le premier qui viendra à bout de ses défis internes sera le maître du Moyen Orient.

 

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