Le chercheur Boubacar Ba évoque, dans un entretien avec Mondafrique sur le « Manifeste sur la refondation du Mali » de l’imam Dicko, le pacte républicain qui devrait intervenir entre tous les acteurs politiques, y compris les groupes armés.
Boubacar Ba connaît l’imam Mahmoud Dicko depuis dix ans dans le cadre d’un compagnonnage intellectuel et de partage des idées sur les grands enjeux et défis sécuritaires dans l’espace sahélien. Il garde son indépendance de chercheur et n’est pas membre du mouvement de l’imam Dicko, mais il est familier de la pensée du chef religieux marocain, un des hommes forts du pays, dont les contacts sont étroits avec la junte militaire.
Mondafrique: Que représente l’imam Dicko dans la société malienne ?
Boubacar Ba: Dicko est un acteur très important de l’histoire du Mali, depuis la conférence nationale de 1991. Il a traversé l’histoire démocratique du pays en contribuant à plusieurs événements importants : la contestation du code de la famille en 2009, le processus de négociation de Ouagadougou en 2012 et une mission de bons offices pour le compte du gouvernement dans le delta central et la boucle du Niger en 2017.
En 2020, il a favorisé une convergence, le M5-RFP, à l’origine de la chute du Président IBK, que l’imam Dicko avait pourtant aidé à faire élire. Après le coup d’Etat d’août dernier, une crise est apparue entre les acteurs de cette convergence et Dicko n’a plus parlé depuis lors. Il a dit, certes, qu’il allait retourner à la mosquée mais il a dit aussi que la mosquée faisait partie de la République. Il a muri, réfléchi, gardé le silence et maintenant, il a pris sa décision, lui seul, d’écrire ce manifeste. Il s’est rendu compte que le Mali, c’était le pays des occasions ratées, des processus interrompus. Il a sans doute évalué son rôle, la portée de son parcours et de son engagement. Après avoir accompagné les gouvernants pendant trente ans, cette fois, il est devenu un acteur de la chute du régime.
Mondafrique: Comment faut-il lire ce manifeste de l’imam Dicko ?
A travers ce texte, l’imam Dicko cherche à faire converger la vision du Mali démocratique et républicain, l’islam du Mali et le savoir endogène et local : trois visions qui se croisent. Il puise dans l’histoire millénaire du pays, l’héritage des grands empires du Soudan occidental, pour laisser une sorte de bréviaire à la génération actuelle et à la génération future. C’est une profession de foi.
Revenant aux événements de 2020, il juge légitime « la dynamique de réveil du peuple malien à travers les différentes manifestations populaires passées. » Mais il s’inquiète du « risque d’échec du combat de ce noble peuple pour une gouvernance vertueuse. » C’est le point de départ de sa réflexion. Il a sûrement pris en compte cette pensée de Marguerite Yourcenar dans Les Mémoires d’Adrien : « Il ne s’agit pas de vaincre mais de vaincre toujours. »
Mondafrique: « Les gouvernants doivent vivre avec l’obsession de l’intérêt général et la lutte contre l’impunité et l’intolérance, en faveur de l’égalité face à la loi et dans l’accès des services publics ». L’imam Dicko, finalement, défend les valeurs républicaines ?
Oui, parce que son combat est républicain. C’est un discours de paix mais un discours républicain, très républicain. Pas politico-religieux. Il souhaite que les acteurs politiques et militaires jouent chacun leur rôle. Il veut accompagner un mouvement qui va au-delà de sa personne, qui engage toutes les forces du pays. C’est un discours de rupture. Il ne se présente pas comme un guide, mais un pèlerin. Il ne cherche pas à conduire mais à accompagner, à rassembler dans la République.
Malgré les tumultes, l’insécurité, l’occupation du pays, la mal gouvernance, il pense que ce pays peut renaître de ses cendres, il suffit que les Maliens y croient.
Mondafrique: « Je me suis souvent trompé en soutenant des hommes qui, guidés par des intérêts égoïstes et matérialistes, n’ont pas su incarner le redressement du Mali tant souhaité. » Cette erreur, est-ce Ibrahim Boubacar Keita ?
L’imam Dicko a accepté de soutenir IBK, il a cru en lui. Il a organisé des meetings dans les mosquées pour faire voter pour lui. « J’ai cru, comme en 2013, qu’une participation forte à un projet électoral pourrait, à elle seule, porter l’espoir de résolution de nos problèmes de gouvernance politique et sociale. Je me suis trompé. Je le regrette sincèrement », dit-il. Mahmoud Dicko s’est déjà publiquement excusé auprès des Maliens pour avoir cru en cet homme et en son système pendant les manifestations de juin 2020 place de l’Indépendance.
Mondafrique: « Je suis sans agenda caché, ni ambition personnelle ou intérêt partisan », écrit Mahmoud Dicko. Doit-on le croire ?
Mahmoud Dicko veut ouvrir un chemin mais pas pour lui-même. Il tente de relancer une dynamique collective qui va bien au-delà de sa personne. « Le feu qui embrase nos villes et nos campagnes », c’est la guerre évidemment. Et surtout, les affrontements communautaires entre Dogons et Peuls, entre chasseurs des milices locales et djihadistes dans le centre du pays. Des villages se meurent, des champs sont abandonnés, la guerre ne cesse de progresser.
Mondafrique: Mahmoud Dicko, finalement, rejette dos à dos tous les acteurs du conflit ?
Il ne nomme personne mais il les vise tous : les acteurs politiques, les groupes djihadistes et les groupes rebelles. Il reconnaît dans une certaine mesure que les responsabilités dans le naufrage actuel du pays sont partagées.
Mondafrique: « Depuis le 18 Août 2020, j’ai laissé ma porte grande ouverte. J’ai inlassablement écouté mais la situation me paraît trop grave pour que je garde silence… Il faut sauver le pays » Est-ce à dire que Mahmoud Dicko considère que la transition ne peut pas réussir seule ?
L’Imam Dicko pense que la transition seule ne peut pas aboutir. Il l’a laissée travailler quelque mois puis il a observé la rupture entre la transition et certains acteurs politiques et de la société civile. Il estime qu’il faut un pacte républicain. Il faut que les Maliens se lèvent avant qu’il ne soit trop tard. Sa conviction, c’est que le Mali même est en danger. Le combat qu’il veut mener, c’est celui de la restauration de l’autorité de l’Etat, parce que quand l’Etat disparaît, c’est la terreur qui s’installe. Comme on le dit la nature a horreur du vide.
Mondafrique: Ce manifeste est-il un appel à la réconciliation ?
Oui. Pour l’imam Dicko, c’est désormais la priorité : le vivre ensemble et la maison commune. Il souhaite aller à la rencontre « des citoyens abandonnés », « bâtir des passerelles entre les acteurs civils et armés », « ressusciter la confiance entre les communautés », « fédérer les énergies confessionnelles ».
Il va falloir rechercher le type de dialogue et l’offre permettant de ramener la paix, faire des concessions, sans doute au niveau du pluralisme juridique, offrir de multiples droits applicables (droit moderne, droit traditionnel, droit islamique, droit de la pratique…)
Les rapports de force ont changé depuis un an. Des accords locaux ont été conclus entre les insurgés (les djihadistes, qu’on appelle « les gens de la brousse ») et les communautés locales dans certaines zones du centre du pays. Les gens de la brousse ont cherché un modus operandi avec les Dogons sur l’utilisation des terres, le paiement de la zakat (impôt de solidarité perçu selon des prescriptions de l’Islam) etc.
La solution ne viendra pas d’en haut mais au contraire, de bas en haut, en mettant à contribution les légitimités locales. La difficulté, c’est aussi l’absence de consensus et de stratégie nationale en matière de dialogue et de médiation. Les recommandations issues de la Conférence d’entente nationale en 2017 et du Dialogue national inclusif en 2019 n’ont pas abouti aux résultats escomptés. Pour le moment, le dialogue est géré par différents acteurs socio-politiques avec des approches différenciées. Les multitudes d’intervention impliquant divers niveaux (institutionnel, société civile, communauté internationale) restent cacophoniques et manquent quelquefois de cohérence.
Mondafrique: Quelles vont être, selon vous, les conséquences de ce manifeste ?
Certains vont penser que l’imam Dicko est encore dans une manœuvre et cherche à se frayer un chemin. D’autres vont s’interroger : « ce monsieur a tenu un discours ; attendons les actes. » D’autres vont rester indifférents. Mahmoud Dicko va prendre la parole dans les jours à venir et il va réclamer ce pacte républicain rassemblant les acteurs de la transition, la société civile, les autorités coutumières, les mouvements armés et les partenaires internationaux qui vont nous accompagner jusqu’aux élections. La forme n’est pas définie, je pense, mais il s’agira d’un cadre de dialogue permettant au Mali de s’engager vers des élections apaisées.
Mondafrique: Un Conseil National de Transition bis ?
Non, le CNT est l’organe législatif. Là nous parlons d’un processus de concertation large, un cadre de convergence de toutes les forces du pays.
Mondafrique: Pensez-vous que l’imam Dicko a obtenu l’aval de la junte pour ce Manifeste ?
Est-ce qu’il a réellement besoin de l’avis de la junte ici ? Non, je crois que ça va au-delà. Il doit agir. C’est un acte d’engagement et d’action. La parole n’est que la parole mais la puissance réside dans l’action, dit justement le griot de Soundiata Keita avant la bataille de Kirina, au 13e siècle.
le site n’est pas serieux, on voir par qui il est financé quand Mahmoud Dicko chef religieux marocain
celui qui a ecrit l’article il est au Mali ou au Maroc
Le très respecté éclairé le sage l’intouchable force tranquille l’imam Mahamoud
Mahmoud Dicko chef religieux marocain !? L’auteur devrait prendre le temps de relire son texte.