Comme l’explique le Wall Street Journal, les forces soutenues par l’Iran ont, depuis le début de 2021, mené plus de 80 attaques contre les forces américaines dans la région. L’armée américaine a riposté en tout et pour tout par quatre raids aériens. Que veut obtenir l’administration américaine de l’Iran? Joe Biden semble naviguer à vue.
On ne comprend plus quel message les Etats Unis cherchent à faire passer au Moyen Orient. Fin janvier 2023, l’armée américaine associée à l’armée israélienne menait un ensemble de manœuvres spectaculaires qui mobilisaient 140 avions, des dizaines de bateaux de guerre, 6,400 soldats américains et plus de 1,500 fantassins et aviateurs israéliens. Ces manœuvres étaient clairement présentées comme un signal belliqueux à destination de l’Iran : si les mollahs ne sont pas sages, voilà quelles représailles les attendent !
Mais quand les Saoudiens ont réclamé une promesse claire d’engagement militaire de la part des Etats Unis en cas d’agression iranienne, et quand, en échange, ils ont promis de reconnaître Israël, c’est tout juste si Washington ne leur a pas ri au nez. Furieux, les Saoudiens ont réduit leur production pétrolière et ont accepté le parrainage chinois pour renouer des relations diplomatiques avec Téhéran allant jusqu’à négocier avec les satellites de l’Iran, les Houthis au Yémen et la Syrie de Bashar al Assad.
Autre signal contradictoire, le 7 avril, le sous-marin à missiles guidés USS Florida est entré en mer Rouge. Ordinairement, les mouvements de sous-marins ne font pas l’objet d’une publicité tonitruante. Mais là, pour impressionner l’Iran, l’armée américaine a rendu visible l’une de ses armes de guerre les plus dissuasives.
Tout aussi impressionnant, la semaine dernière, l’armée américaine a aussi déclaré qu’elle accélérait l’envoi d’un escadron d’avions A-10 dans la région en réponse à une série d’attaques contre les forces américaines menées par des milices pro-iraniennes en Syrie. Ces agressions militaires caractérisées ont tué un entrepreneur américain et blessé une douzaine d’autres Américains.
« Nous prendrons toutes les mesures nécessaires pour défendre notre peuple et répondrons toujours au moment et à l’endroit de notre choix », a déclaré Lloyd Austin, secrétaire à la Défense. Il a même ajouté, « aucun groupe ne frappera nos troupes en toute impunité. » Mais quand les milices pro-iraniennes ont riposté à ces males paroles par deux nouvelles attaques de drones et de roquettes contre les troupes américaines dans le nord-est de la Syrie… il ne s’est rien passé. Rien !
En février 2023, quand l’Iran est surpris à enrichir de l’uranium à des niveaux quasi militaires (84% selon l’AIEA, soit très près des 90% nécessaires au montage d’une arme nucléaire), les Etats Unis ne réagissent pas. Joe Biden n’a-t-il pas promis aux Israéliens qu’il ne permettrait jamais à l’Iran d’acquérir une arme nucléaire ?
Pire, voilà que le chef d’état-major interarmées américain, le général Mark A. Milley, a récemment déclaré devant une commission du Congrès que les États-Unis « restent engagés, par principe, à ce que l’Iran n’ait pas d’arme nucléaire en service ». Il faut noter les nouveaux mots qui structurent aujourd’hui le discours américain : « pas d’arme nucléaire en service ». Autrement dit, l’administration Biden semble prête à tolérer des armes nucléaires entre les mains de l’Iran… à condition que l’arme ne soit pas « en service », c’est à dire déployée sur le terrain.
Avec des déclarations comme celles du général Milley, on n’est même plus dans le « signal contradictoire ». Il s’agit d’un changement radical de politique. Le refus de la nucléarisation de l’Iran a cédé la place à une position beaucoup plus souple consistant à expliquer que les Etats Unis ne tolèreront pas le déploiement d’armes nucléaires par l’Iran. La production d’armes nucléaires et le stockage sont autorisés, mais pas leur déploiement sur le terrain.
Presque personne n’a remarqué (ou n’a voulu remarquer) cette étonnante dégradation du discours américain sur l’un des plus grands problèmes de sécurité au niveau planétaire !
La référence à « une arme nucléaire déployée » indique clairement que Biden va autoriser l’Iran se doter d’armes nucléaires alors que ce pays a rompu ses engagements de non-prolifération et s’apprête à créer un arsenal nucléaire.
Joe Biden, intraitable face à la Russie, se montre exceptionnellement « diplomate » vis-à-vis de l’Iran. Les études et articles qui permettraient de comprendre l’irrationnalité de la diplomatie des présidents américains issus du Parti Démocrate vis-à-vis de l’Iran ne sont pas légion. Mais une seule question mérite aujourd’hui d’être posée : à force de voir les Etats Unis reculer l’usage de la force contre le régime iranien, comment les dirigeants iraniens peuvent-il comprendre qu’ils ont des raisons de craindre les Etats Unis s’ils « déployaient » une bombe nucléaire sur le terrain ?
La réponse est qu’ils ne le peuvent pas. Au Moyen Orient, les Etats « normaux » comme les Etats-voyous ne comprennent qu’un seul langage, le langage de la force. Pour tous, le message est clair : si les Etats Unis ne disent rien, c’est qu’ils consentent à voir les Iraniens faire usage de l’arme nucléaire.