Les responsables des deux plus grands partis d’opposition en Côte d’Ivoire ont été reçus, le mercredi 17 mars, au siège du Grand Orient rue Cadet à Paris.
On sait à quel point les réseaux maçonniques sont importants en Afrique et tout particulièrement en Côte d’Ivoire. Début mars, le décès de Hamed Bakayoko, Premier ministre du pays et figure tutélaire de la politique ivoirienne, a bouleversé la situation de la franc maçonnerie. Depuis 2015 en effet, celui que les ivoiriens avaient surnommé « Golden Boy » pour ses réussites en affaires est devenu le grand maître de la Grande Loge de Côte d’Ivoire (GLCI). Il s’agit de la principale obédience maçonnique du pays, forte de 40 loges et de 2 000 membres. La GLCI est affiliée à la Grande Loge Nationale de France (GLNF), très marquée à droite
Le poids politique de Hamed Bakayoko, ses réseaux efficaces et sa convivialité connue avaient traditionnellement laissé peu de place, ces dernières années, à des obédiences maçonniques concurrentes. La disparition brutale du grand maitre ouvre une brèche que le « Grand Orient de France (GODF), son principal concurrent, pourrait investir après la longue éclipse qu’il a connue.
D’autant plus que ces derniers mois, plusieurs francs-maçons au sein de la GLCI d’Hamed Bakayoko, reprochaient à leur grand maître ne pas soutenir les cadres de l’opposition, notamment ceux du PDCI de l’ancien président Henri Konan Bédié.
Le vent du large
« La Grande Eburnie », une obédience ivoirienne proche du Grand Orient, dont le premier grand-maître était Kébé Mémel, s’est déchirée pendant la guerre civile entre les partisans de Laurent Gbagbo et ceux d’Alassane Ouattara. Élu en janvier 2021 à la tête du Grand Orient de France (GODF), Georges Serignac passe pour souhaiter ouvrir son obédience au vent du large, notamment en direction de l’Afrique de l’Ouest francophone.
Dès son intronisation, le patron du GODF a plaidé pour une « ouverture sur l’extérieur » de la principale obédience maçonnique de France, dans un moment charnière de crise sanitaire et d’élaboration d’un « monde d’après ». Le fait pour les dirigeants du Grand Orient de recevoir, le 17 mars, à leur siège des opposants ivoiriens est une illustration de ce nouvel état d’esprit.
Cette rencontre des francs maçons avec les mouvement des anciens présidents Bédié et Gbagbo témoigne de l’écho rencontré désormais par l’opposition ivoirienne à Paris. Le régime ivoirien, miné par ses frasques financières et sa répression féroce, est désormais vulnérable . Réélu pour un troisième mandat dans des conditions contestées et confronté après les élections législatives du 7 mars à une opposition d’une centaine d’élus (sur 255 députés), le président Ouattara se trouve désormais sur une délicate ligne de crête.