Le commando des services algériens n’avait pas ciblé qu’un seul opposant

L’opération d’élimination des opposants au sein de la diaspora en Europe qui a été tentée sans succès par les services algériens durant l’automne 2021 ne concernait pas seulement le journaliste Hicham Aboud qui vit dans le Nord de la France, mais aussi d’anciens militaires réfugiés au Royaume Uni, comme le Capitaine Hassine Ouguenoun,  dit « Haroun »,  

La tentative d’élimination des opposants au régime algérien, que Mondafrique a déja relaté, n’a pas encore révélé tous ses secrets. Nous avions raconté comment l’ancien sergent-chef réfugié à Bruxelles, Abdelkader Tigha, avait tenté d’attirer en Belgique, le journaliste et opposant  Hicham Aboud. Hélas pour Alger, l’agent double qui se jugeait insuffisamment rémunéré par ses commanditaires algériens a pu être retourné par Hicham Aboud. Du coup, comme nous l’avions raconté, les négociations entre Tigha et les services algériens ont été enregistrés, puis diffusés sur les réseaux sociaux via le lanceur d’alerte Amir Dz, véritable « boite aux lettres » pour toutes sortes de sources non identifiées à Paris et à Alger.

Une affaire d’État

Pour l’instant, seule une partie de cette affaire d’État qui a été étonnamment ignorée par les medias français a été divulguée. Abdelkader Tigha qui était en contact avec toutes sortes  de protagonistes  a été utilisé comme un appât pour approcher plusieurs opposants connus, afin de permettre aux services algériens, ses commanditaires  de les liquider..C’est ainsi qu’avant de rencontrer Hicham Aboud, il tentait d’approcher  un ancien dissident des services algériens réfugié à Londres, le Capitaine Hassine Ouguenoun, dit « Haroune ».

Le capitaine Haroun est le premier à avoir quitté les services algériens durant les années noires (1992-1998). Ce militaire aura été le membre fondateur de mouvement MAOL, qui a réuni des militaires réfugiés en Europe durant ces années là. Tigha prenait contact avec lui le 9 Septembre 2021.

« Salut Si Haroun, appelle moi sur ce téléphone en Belgique,

Je suis Mr Tigha, c très important (sic) »

Et l’agent double, le contact étant pris, de donner rendez vous au capitaine Haroun à Bruxelles. L’objectif affiché?  Rencontrer un prétendant officier dissident détenant des documents sensibles 

Tigha, personnage trouble

Le Capitaine Haroun n’est pas tombé dans le panneau. C’est qu’il connaissait que trop bien le personnage de Tigha ,lorsque ce dernier avait fui l’Algérie dans les années noires, puis gagné  la Thaïlande où, à la suite d’un parcours rocambolesque, le militaire se trouvait dans une prison. Depuis, un Tigha, soldat perdu des services algériens recherchant quelques subsides pour survivre, avait acquis une réputation plus que douteuse dans les milieux de l’opposition algérienne en Europe.

Pourquoi les militaires à Alger ont-ils imaginé, dans leurs noirs desseins, d’utiliser un personnage aussi trouble qui finalement les a trahis? Une telle imprudence s’explique mal, sauf par une dégradation inquiétante du professionnalisme des barbouzes algériens.

Un commando algérien devait assassiner l’opposant Hichem Aboud

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)