La déclaration du Ministre algérien de l’Energie le 18 mai 2024 à Sorrente ( Italie) réaffirme la volonté de l’Algérie d’établir un partenariat régional solide et efficace et de devenir un pôle énergétique dans la région et un axe d’échange énergétique grâce à de nombreux projets dont le développement de l’interconnexion électrique entre le Nord et le Sud de la Méditerranée , auquel une enveloppe de trois milliards de dollars a été alloué.
Abderrahmane Mebtoul,universitaire, expert international, directeur d’études ministère Énergie et Sonatrach
1.-Selon le rapport annuel du GECF (2023), l’UE a importé du gaz par gazoducs en provenance de cinq pays, à savoir l’Algérie, l’Azerbaïdjan, la Libye, la Norvège et la Russie et que durant l’année 2022, les importations totales de gaz par gazoduc de l’UE ont atteint 203 milliards de mètres cubes, en baisse de 26% par rapport à 2021. S’agissant de la production algérienne de gaz naturel, la production de Sonatrach a enregistré une augmentation passant de 85 milliards de m3 en 2019 à 101 milliards de m3 en 2022, propulsé par l’agrandissement du champ de Hassi R’Meli.
L’Algérie possède le troisième réservoir mondial de gaz de schiste, 19500 milliards de mètres cubes gazeux. Son exploitation un consensus social, des techniques nouvelles pour éviter la pollution des nappes phréatiques. Sous le désert existe un des plus grand océan du monde plus de 55.000 milliards de mètres cubes , 70% en Algérie, 20% en Tunisie et 10% en Lybie.
Avant la crise en Ukraine, l’Europe dépendait pour environ 55 % de son approvisionnement en gaz de la Russie. Depuis, l’Algérie est devenue le deuxième fournisseur avec 19% du total derrière la Norvège 54%.
Pour le GECF l’Algérie est le principal fournisseur de gaz de l’Europe du Sud, assurant environ 70% de ses exportations vers ce marché via gazoducs et les 30% restants sous forme de GNL où en 2022, l’Algérie a exporté 52 milliards de m3 de gaz naturel au total, à travers les gazoducs et sous forme de GNL, selon la même source, assurant que la majorité des expéditions algériennes de GNL étaient dirigées vers l’Europe et en quantité, elle a exporté au total 10 millions de tonnes de GNL, avec environ 9,2 millions de tonnes fournies à l’Europe, en se plaçant comme quatrième plus grand fournisseur de GNL du continent européen. Selon la 8ème édition du rapport « GECF Global Gas Outlook 2050, l’Algérie devrait conserver son statut d’important fournisseur de gaz naturel du marché européen, tant par le biais des exportations via gazoducs que par le gaz naturel liquéfié (GNL), jusqu’à 2050″, précise-t-on dans la 8ème édition du rapport « GECF Global Gas Outlook 2050.
2.-La coopération Algérie/Europe devrait s’articuler autour trois axes directeurs
Premier axe : l’augmentation des volumes de gaz à l’exportation vers l’Europe, en coopération avec des entreprises européennes et en exploitant de nouveaux champs gaziers. Une des voies pour augmenter les exportations de gaz consiste à réduire davantage les émissions de méthane et le torchage, ce qui rendrait plus de gaz disponible pour le commerce. Plusieurs projets qui doivent approvisionner l’Europe permettront de développer les exportations du gaz par canalisation : le projet du gazoduc trans-saharien NIGAL, d’une longueur de 4 128 kilomètres (qui suppose la résolution du conflit au Niger) et d’une capacité annuelle de trente milliards de mètres cubes ; le projet de Galsi, via la Sardaigne et la Corse, gelé depuis 2012 et qui annonçait alors une capacité de 8 milliards de mètres cubes gazeux pour un investissement de 3 milliards de dollars devant être relié à la Corse (cf. conférence du Pr A.Mebtoul à la CCI de Corse et son déplacement en Sardaigne pour défendre ce projet reprise par la télévision France 3 ). Le gazoduc Medgaz reliant l’Algérie à l’Espagne a connu une augmentation de l’ordre de 2 milliards de m3 en 2022, en passant de 8 milliards de m3 à 10 milliards m3, tandis que les quantités de gaz acheminées vers l’Italie, via le Transmed, ont atteint 23,5 milliards de m3 contre 21,5 milliards m3 en 2021.
Deuxième axe : les énergies renouvelables. L’Algérie dispose d’abondantes sources d’énergies renouvelables, solaires (plus de 3 000 heures de soleil par an) et éoliennes, qui lui permettent de devenir un leader mondial dans la production de l’énergie propre, pour la consommation locale ( le Ministère de l’Energie prévoyant horizon 2030/2040, environ 40% de de la couverture du marché intérieur étant fin 2022 entre 1/2% ) mais aussi pour l’exportation vers l’Europe. Rappelons qu’entre 2002 et 2023, dans plusieurs déclarations, le Ministère de l’Energie s’est engagé à promouvoir les énergies renouvelables, ce qui consiste à installer une puissance d’origine renouvelable de l’ordre de 22 000 MW à l’horizon 2030, dont 12 000 MW pour le marché national algérien, et avec une possibilité d’exportation allant jusqu’à 10 000MW. L’Europe et l’Algérie travaillent déjà ensemble sur le développement des énergies renouvelables avec le projet commun « Taka Nadhifa » ainsi que des projets d’interconnexions électriques. Cependant, il reste à mobiliser un financement européen important du Fonds européen pour le développement durable, en coopération avec les banques de développement comme la Banque européenne d’investissement et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement.
Troisième axe de coopération : l’hydrogène vert, bleu et souvent oublié le blanc . Un éventuel partenariat UE-Algérie sur l’hydrogène permettrait de développer la production, la consommation et le commerce d’hydrogène renouvelable et de dérivés. L’Algérie se propose, selon le Ministère de l’Energie, d’investir de 20 à 25 milliards de dollars à l’horizon 2040 autour de l’hydrogène renouvelable, divisée en trois grands phases : le démarrage via des projets pilotes (2023 à 2030), l’expansion et la création de marchés (2030 à 2040) et l’industrialisation et la compétitivité du marché (2040 à 2050). À horizon 2040, l’Algérie prévoit de produire et d’exporter 30 à 40 TWh d’hydrogène gazeux et liquide, avec un mix à la fois composé d’hydrogène bleu, produit à partir de gaz, et d’hydrogène vert fabriqué par électrolyse grâce aux importantes ressources solaires du pays, avec pour objectif de fournir à l’Europe 10 % de ses besoins en hydrogène vert, d’ici à 2040.
En conclusion, l’Énergie étant au cour de la sécurité des Etats, des stratégies d’adaptations sont nécessaires car le monde devant connaître une profonde mutation, notamment avec les impacts du réchauffement climatiques des espaces euro-méditerranéen et africain, la coopération entre l’Algérie et l’Europe devra être axée sur la nécessaire transition énergétique (nouveau modèle de consommation) et numérique. Ce bouleversement mondial influera sur les méthodes de gestion des États, par ailleurs exposés aux nouveaux dangers systémiques des cyberattaques.