La connexion avec des groupes armés peuls du Sahel se rapproche dangereusement de Bangui.
Il n’ y a guère que les protagonistes de l’Accord de Khartoum et les parties à cet Accord de paix et de réconciliation, signé à Bangui le 6 février 2019, qui s’accordent pour voir des progrès dans la mise en œuvre de ce pacte de non agression entre quatorze chefs rebelles et le pouvoir exécutif de Bangui. Pendant ce temps-là, une nouvelle alliance peule vient de naître.
Les implacables réalités
Le communiqué du Conseil de sécurité de l’ONU du 22 juin 2020 admet que la situation en Centrafrique est « instable », mais les « progrès » dans la mise en œuvre de cet accord sont encore salués et le président Touadera recueille toujours les encouragements et les félicitations pour son action en faveur de la paix. Certes, des textes ont été adoptés, les élections sont toujours programmées fin décembre 2020, et la situation dans Bangui est sous contrôle, avec les florissantes retombées du business de guerre.
Cette économie hors sol, alimentée par le siphonage des aides extérieures et la présence de 13 000 Casques bleus ne devrait pas masquer les réalités que vivent d’innombrables Centrafricains. Le 22 juin 2020, l’ONU et l’Union africaine ont rappelé que 2,6 millions de Centrafricains, sur une population globale estimée à environ 5 millions d’habitants, avaient besoin d’une assistance humanitaire, que 619 000 Centrafricains étaient réfugiés dans les pays voisins et que 697 00 autres étaient déplacés à l’intérieur de pays. Ces chiffres se passent de commentaires pour apprécier les résultats de l’accord du 6 février 2019.
La déclaration d’entente UPC-3R
Alors que les affrontements dans les fiefs rebelles du sud-est, tenus par l’Union pour la paix en Centrafrique (UPC), et du nord-ouest, sous l’emprise du mouvement Retour, Réclamation Réhabilitation (3R) se multiplient, avec désormais des engagements militaires contre la Minusca et les Forces Armées Centrafricaines, une Déclaration d’entente, du 17 juin 2020, aurait dû alerter le Conseil de sécurité, dans sa séance du 22 juin 2020.
Les deux chefs rebelles que sont le Peul Nigérien Ali Darassa Mahamat, « général d’armée » autoproclamé de l’UPC et le Peul Camerounais Bi Sidi Souleymane, alias Abass Sidiki, autoproclamé » général » du mouvement 3 R, ont conclu, le 16 juin 2020, une forme de coalition, sous l’appellation sibylline « Déclaration d’entente ». Cette convergence politique entre ces deux groupes armés d’autodéfense de la communauté Peule, signataires de l’Accord de Khartoum, est sans ambiguïtés. Après avoir rappelé cyniquement leur attachement aux engagements de l’Accord de Khartoum, alors que leurs hommes les violent quasi quotidiennement, les deux chefs rebelles solidement établis dans l’arrière-pays, mais également ministres-conseillers militaires à la Primature, ne cachent plus leur objectif commun de défendre leur communauté, sans se soucier de l’intérêt national.
Extraits : » Cette collaboration se veut avant tout politique et vise à explorer les moyens, qui par des synergie communes, sont destinés à bénéficier à la communauté peulh dans son ensemble. La mise en commun des expériences liées à l’élevage…en corrélation.avec la mise en place des Unites spéciales mixtes de sécurité (USMS) devrait sans nul doute apporter des solutions locales et ainsi améliorer le contexte sécuritaire… ».
Les cultivateurs des régions concernées apprécieront et les populations devront se plier aux exigences des groupes armés de défense des éleveurs peuls, comme cela est déjà le cas dans les régions de l’Ouham, l’ Ouham-Pendé, la Nana-Mambere, la Ouaka et le Haut-Mbomou.
Le rapprochement avec des groupes sahéliens
La communauté peule est certes diversifiée dans son espace sans frontières allant du fleuve Sénégal aux deux Soudan.Toufefois, elle connaît des valeurs communes, un mode de vie immuable, des héros mythifiés, un passé loin d’être pacifique et un attachement irréductible à un islam conquérant. Mondafrique avait déjà mis en exergue cette montée en puissance de ce peuple sans frontière dans l’article ci-joint intitulé » Les Peuls, une communauté sans frontières en révolte ».
La nouvelle alliance UPC-3R reprend les thématiques relatives à l’élevage qui se retrouvent dans la plupart des groupes armés sahéliens de défense des Peuls : la protection des parcours de transhumance du cheptel, les représailles contre les vols de bovins et les homicides crapuleux et l’hostilité guerrière envers les communautés sédentaires attachées à leur territoire. On pourrait aussi y ajouter, leur sentiment d’abandon par le pouvoir central et une discrimination dont ils s’estiment victimes, notamment au niveau politique. Contrairement au Sahel, en Centrafrique la dimension religieuse se surajoute car les musulmans peuls sont souvent confrontés à une population largement animiste/chrétienne.
Les massacres prennent de plus en plus des caractères inter religieux, ce qui n’était pas le cas encore récemment dans la crise centrafricaine. Ce tournant est particulièrement inquiétant. Il pourrait bien attirer des combattants sahéliens qui ont bien d’autres préoccupations que la protection des parcours de transhumance. Ali Darassa Mahamat, ancien bras droit du rebelle peul Baba Ladde, avait déjà des contacts avec ses coreligionnaires nigériens. L’âpreté des combats, y compris contre la Minusca, les massacres, d’ampleur jusqu’ici inconnue, constituent des signaux qui éclairent un peu plus la Déclaration d’entente du 17 juin 2020.
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