Créée par l’ancienne président Catherine Samba-Panza , en juin 2015, la Cour Pénale Spéciale (CPS) est une juridiction hybride, composée de magistrats et d’ auxiliaires de justice nationaux et internationaux. Elle est surtout une forme de déconcentration de la Cour Pénale Internationale (CPI) de La Haye.
Crimes de masse
Théoriquement en place pour cinq ans, jusqu’en 2020, elle doit traiter les violations graves aux droits humains et au droit international humanitaire tels que les crimes de guerre ou contre l’Humanité, commis entre 2003 et 2015. Les innombrables crimes commis après 2015 sont donc exclus.
Les drames de Kaga Bandoro, de Bangassou, de Bambari, de Bria, de Paoua, de Bangui etc…attendront une prolongation éventuelle de sa compétence temporelle. Du moins si les financements internationaux ne font pas défaut. Or on parle déja du retrait possible des Etats Unis d’Amérique.
Quelques dizaines de magistrats, d’officiers de police judiciaire et de greffiers vont donc se pencher sur les centaines de milliers de cas entrant dans la compétence de cette Cour. Ce ne sera pas simple devant les crimes de masse, le nombre ahurissant de criminels, souvent transfrontaliers, et les centaines de milliers de victimes.
Rappelons que la CPI, avec ses moyens importants, a mis treize ans pour juger, en première instance, le congolais Jean-Pierre Bemba. D’ores et déjà, les organisations de la société civile et les structures religieuses se mobilisent pour recenser les éventuelles requêtes. Fin juin 2017, il y aurait déjà plus de 10 000 requêtes, rien que pour les années 2013 et 2014. Plusieurs dizaines de milliers de requêtes seront donc bientôt devant la Chambre d’instruction de la CPS. Il serait bon que cette juridiction puisse disposer bientôt de plusieurs salles afin de faire face à ce probable déluge de saisines.
Des magistrats enviés
Evidemment, les déplacements des magistrats instructeurs hors de Bangui sont actuellement impossibles. Comment établir la réalité des faits et des témoignages ? Certes les puissants 4×4 seront là, mais pour les routes bitumées de Bangui. La Minusca a déjà suffisamment de problèmes pour ne pas en ajouter d’autres avec la protection des personnels de la CPS.
Même à Bangui, la sécurité des magistrats ne sera pas évidente, car les membres de la CPS feront des envieux avec leurs nombreux avantages financiers, matériels et diplomatiques. Les personnels centrafricains, nommés à la CPS, risquent aussi de faire des jaloux auprès de leurs anciens collègues et d’aviver les revendications des laissés-pour-compte.
La RDC « modèle » de justice équitable
Le président Touadera a « apporté sa pierre » pour cette construction baroque dans un univers où l’administration de la Justice n’existe plus depuis très longtemps.
N’ a-t-il pas nommé comme procureur général, un magistrat militaire de RDC, colonel de son état, digne représentant de la justice militaire congolaise qui vient encore de s’illustrer au tribunal de Mbuji-Mayi, dans l’affaire du Kasaï oriental. Les notions de procès équitable et de droits humains ne semblent pas encore bien ancrées en RDC.
En tous cas, l’ONU, la CPI, les représentants locaux des organisations onusiennes et les partenaires financiers se sont réjouis de cette curieuse nomination.
Le chef de l’État centrafricain a également nommé des nationaux qui seront évidemment aux ordres et les musulmans peu représentés. La nomination de l’inamovible procureur de la République, Alain Tolmo, ce magistrat docile qui devient substitut du procureur général, est éclairante (voir encadré ci dessous).
Une nouvelle fois, le peuple centrafricain risque d’avoir de faux espoirs, alimentés par la communauté internationale, et de devoir patienter pour voir la fin de l’impunité, moteur d’une des pires tragédies africaines qui, sans aucun doute, va devenir contagieuse pour les pays limitrophes.
Alain Tolmo, un Procureur docile
Alain Tolmo traversa sans encombres les régimes de Bozizé, Djotodia et la Transition.de Catherine Samba-Panza. Nommé jadis par Bozizé et Touadera, il a « courageusement » lancé un mandat d’arrêt international contre le président déchu, deux mois après le coup d’État du 26 mars 2013 de Djotodia. Conservant son poste après l’élection du président Touadera, il se signala en participant à la libération de Jean-Francis Bozizé, qui venait d’être arrêté par la Minusca, sur la base du mandat d’arrêt international…. jadis délivré par lui-même.