Une contestation interne et une tentative de destitution : ce scénario catastrophe, Bouteflika l’avait bel et bien anticipé dés que sa santé a commencé à le trahir.
Refuge au Val de Grâce
En 2005, lorsque les premiers signes de son ulcère de l’estomac ont commencé à pointer à l’horizon, il n’avait qu’une seule crainte : « Que mes ennemis n’utilisent pas mes problèmes de santé pour me piéger », témoigne un proche de la famille Bouteflika.
Il avait beau avoir poussé vers la sortie les généraux Mohamed Lamari, Khaled Nezzar, ses pires adversaires, et neutralisé d’autres hauts gradés comme Mohamed Touati, il savait très bien que les autres généraux au sein du DRS se retourneraient contre lui en le voyant malade, affaibli. Que faire alors ? « Ne pas se soigner en Algérie, c’est une décision stratégique que le clan Bouteflika a prise pour des considérations politiques. Abdelaziz Bouteflika n’a pas choisi le Val-de-Grâce par amour pour la France. Pas du tout. Il a choisi cet établissement français pour la sécurité qu’il va lui garantir », explique encore notre source. Au Val-de-Grâce, Abdelaziz Bouteflika savait que ses secrets allaient être enterrés loin de ses ennemis au sein de l’institution militaire.
L’hospitalisation au Val-de-Grâce était donc la première étape de l’opération lancée pour contourner l’article 88. Se soigner à l’étranger, loin des yeux inquisiteurs de ceux qui veulent l’empêcher d’imposer sa suprématie sur l’Algérie, rendra quasiment impossible l’établissement d’un rapport médical prouvant son incapacité à diriger le pays. Il faut dire que le clan Bouteflika a bien utilisé les failles de l’article 88. Ce dernier ne précise nullement la nature du rapport médical sur lequel doit s’appuyer le Conseil Constitutionnel pour prononcer la destitution. En plus, un rapport médical étranger fait par un hôpital français ne risque pas d’être transformé en une base légale pour une décision politique en Algérie.
« S’il était resté hospitalisé à l’hôpital militaire algérien, l’hôpital d’Ain Naadja à Alger, il aurait été non seulement à la merci des militaires qui n’appréciaient pas son pouvoir grandissant, mais il aurait suffi aussi que quatre médecins algériens dressent un rapport médical accablant pour enclencher une procédure de destitution », assure un ancien fonctionnaire de la Présidence qui a connu de près Abdelaziz Bouteflika.
Noyautage du Conseil Constitutionnel
Le Val-de-Grâce comme bouclier. Mais, ce bouclier, à lui-seul, il ne suffit pas. La deuxième étape a été de noyauter le Conseil Constitutionnel pour le contrôler. Tout commence en mars 2012 lorsque, contre toute attente, Bouteflika réussit à placer Tayeb Belaïz, l’un de ses poulains au gouvernement, ancien juge et disciple du locataire d’El-Mouradia, à la tête de cette institution stratégique. Belaïz effectue un véritable travail en profondeur. Il rallie des juges à sa faveur et tente d’étouffer la moindre évocation de l’article 88. Une année plus tard, en septembre 2013, Bouteflika a commencé à faire accepter à la scène politique algérienne sa maladie. Il rappelle Tayeb Belaïz pour qu’il prenne les commandes du ministère de l’Intérieur en vue de la préparation de l’élection présidentielle d’avril 2014 qui lui garantira le 4e mandat et la fin de ses soucis.
Mourad Medelci est un autre pion de Bouteflika. Un de ses hommes de main qui lui a prêté allégeance depuis des années. Medecli poursuit le travail de Tayeb Belaïz et empêche toute polémique au niveau du conseil constitutionnel concernant l’application de l’article 88. En plus, il prépare la manoeuvre nécessaire pour valider la candidature de Bouteflika à un 4e mandat successif. Il est chargé de « trafiquer »le dossier de candidature et de placer un bulletin de santé que personne n’a pu vérifier ou valider.
C’était une véritable course contre la montre. Au moment où ses adversaires au sein du DRS l’attaquaient sur les dossiers de corruption et de gouvernance, Bouteflika s’armait pour verrouiller toute destitution. Conscient de la menace, il avait tout fait pour gagner la bataille de l’influence au niveau du Conseil Constitutionnel. De nombreux opposants, militaires hostiles au 4e mandat ou simples politiques rétifs à l’idée de confier encore l’Algérie à un homme malade ont tenté d’introduire des recours, de saisir le Conseil Constitutionnel.
Rien à faire, Bouteflika avec ses hommes ont fait de cette institution leur chasse gardée. En l’absence d’un dossier médical en bonne et due forme et d’un Conseil Constitutionnel indépendant, la route pour le 4e mandat était libre. Et rien ne semble pouvoir y dresser encore des barrages. Sauf si la santé définitivement le vieux renard d’El-Mouradia …