Près de six mois après le début de la guerre qu’il a déclenchée contre le Hamas, avec pour objectif d’éliminer ce groupe jihadiste palestinien, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, reste toujours aussi déterminé à poursuivre sa politique militaire qui va dans le sens d’une escalade. Et cela, malgré les pressions internationales, notamment de la part de son allié américain, visant à instaurer un cessez-le-feu à Gaza.
La récente frappe israélienne à Damas, qui a réduit en ruines un bâtiment faisant partie du complexe de l’ambassade iranienne et tué de hauts commandants du Corps des Gardiens de la Révolution islamique en Iran, est certes la plus grande attaque à ce jour contre les intérêts iraniens en Syrie. Celle-ci a surtout mis en relief la guerre larvée à laquelle se livrent Israël et l’Iran par l’intermédiaire des proxies de Téhéran.
La politique belliqueuse et le comportement provocateur de Benjamin Netanyahu visent cependant, essentiellement, à le maintenir au pouvoir. Le Premier ministre israélien est mis à rude épreuve par ses partenaires au sein de la coalition d’extrême droite, certains allant jusqu’à menacer de faire chuter son gouvernement s’il s’écarte de sa ligne politique.
Sa survie politique étant en jeu, Benjamin Netanyahu ne semble avoir qu’une seule logique: se maintenir au pouvoir, explique à Ici Beyrouth le général de l’armée française à la retraite Dominique Trinquand. « Benjamin Netanyahu ne redoute pas une extension du conflit militaire, car la guerre lui permet de rester au pouvoir et de continuer d’appliquer la politique qu’il défend depuis 15 ans. Élargir le conflit contre les Iraniens à Damas et contre le Hezbollah est ainsi une nécessité pour lui », estime le général Trinquand. Selon lui, « Netanyahu se moque éperdument de la résolution de l’ONU appelant à un cessez-le-feu immédiat à Gaza, et se soucie peu de ce que pensent ses alliés américains ».
Aux yeux du général français, un changement quelconque ne pourrait intervenir que de l’intérieur même d’Israël, où le mécontentement public ne fait que monter face à la politique belliqueuse de M. Netanyahu, qui n’a toujours pas atteint son double objectif: détruire le Hamas et libérer les otages que celui-ci détient toujours à Gaza.
« La seule issue à la crise serait que les Israéliens parviennent à pousser leur Premier ministre à démissionner. Les manifestations populaires pourraient entraîner une division du Cabinet et pousser ainsi Benjamin Netanyahu à rendre le tablier. Tant que ce genre de pression fait défaut, les pressions internationales resteront sans effet », affirme le général français.
Au fur et à mesure que les lignes rouges que le Premier ministre israélien se fixe évoluent, la logique qui guide ses décisions continue de changer à son tour et devient de plus en plus complexe.
« Patience stratégique »
Pour Fadi Assaf, cofondateur de Middle East Strategic Perspectives, c’est Israël qui représente aujourd’hui une grande « inconnue » et la partie « imprévisible » dans le conflit qui fait rage, tandis que l’Iran évite la confrontation et garde ses instruments militaires fermement sous contrôle.
« Les raids israéliens contre les intérêts militaires et logistiques de Téhéran en Syrie, ainsi que les cyberattaques contre l’Iran, n’ont pas modifié la position de la République islamique », souligne M. Assaf dans une interview accordée à Ici Beyrouth, insistant sur le fait que « les causes réelles de la ‘patience stratégique’ qui dicte les réactions de l’Iran sur le front israélien demeurent inchangées, même à ce jour », c’est-à-dire après l’attaque de Damas.
Au moins trois hauts commandants et quatre officiers, tous chargés de superviser les opérations secrètes de l’Iran au Moyen-Orient ont été tués lundi, lorsque des avions de guerre israéliens ont mené un raid sur un bâtiment annexe de l’ambassade d’Iran à Damas. Cette opération marque un tournant sans précédent dans le conflit en cours entre les deux adversaires, autour de la guerre à Gaza.
L’Iran a promis de riposter à l’attaque. Menaçant, le guide suprême de la révolution islamique, a déclaré: « Nous ferons regretter au régime sioniste ce crime et d’autres encore qu’il a commis. »
Alors que l’administration américaine plaide en faveur d’une « désescalade » dans la région, tout en maintenant son soutien logistique et militaire à Israël, ce dernier intensifie ses attaques contre le Hamas à Gaza et à Rafah, ainsi que son offensive ciblée contre le Hezbollah et les Pasdarans.
Selon M. Assaf, l’objectif de Tel Aviv est de créer les conditions les plus avantageuses pour garantir au mieux sa sécurité. « Affaiblir l’Iran en neutralisant ses branches armées, restreignant ainsi sa capacité à dicter ses conditions lors de futures négociations, semble être l’objectif principal des actions militaires actuelles d’Israël », explique Fadi Assaf.
Il ajoute que, néanmoins, la principale préoccupation de l’Iran est de protéger son réseau de milices et « d’éviter surtout de compromettre le Hezbollah, afin de préserver ses gains géostratégiques ».
Malgré les prises de risques ici et là, les deux parties paraissent, pour le moment, agir conformément à leurs priorités stratégiques actuelles.
La riposte de l’Iran à l’attaque de Damas, telle que promise par Khamenei, n’est donc pas susceptible de se produire immédiatement, mais pourrait viser des intérêts israéliens n’importe où dans le monde, ultérieurement, à l’instar de la double attaque à Buenos Aires, en 1992, contre l’ambassade d’Israël, puis en 1994 contre un centre communautaire juif. Un kamikaze du Hezbollah avait été inculpé pour avoir perpétré l’attaque contre le centre juif.