Disparitions forcées de civils et de militaires, exécutions, tortures, violences sexuelles, recrutements et détentions d’enfants soldats… c’est le portrait accablant que dresse l’ONG Amnesty International dans son dernier rapport « Agenda pour les droits humains au Mali », au terme d’une enquête de deux ans.
Les nombreux rebondissements survenus dans le pays depuis le putsch militaire de mars 2012 contre l’ancien président Amadou Toumani Touré (ATT) ont enfoncé le pays dans une crise sans précédent donnant lieu à une cascade de violations des droits les plus fondamentaux aussi bien par les groupes armés de la moitié nord du pays que par les forces de sécurité maliennes.
Le rapport note que depuis le début de la crise, plus d’une trentaine de personnes auraient été arrêtées par les forces de sécurité maliennes et soumises à des disparitions forcées. Ces actes visaient à la fois des militaires accusés par les ex-putschistes d’être restés fidèles à ATT, ainsi que des civils accusés de soutenir les groupes armés du nord.
Le coup d’Etat conduit par les forces du capitaine Sanogo a donné naissance à une véritable guerre des clans dans laquelle s’affrontent « bérets rouges », surnom donné aux parachutistes favorables à ATT, et « bérets verts », soutiens de Sanogo. Ces combats, particulièrement violents lors de la tentative de contre-coup d’Etat d’avril 2012, auraient mené à des règlements de compte entrainant la disparition forcée de soldats pro-ATT.
« Des militaires ont été arrêtés par les forces de sécurité proches des putschistes et (que) 21 d’entre eux ont disparu après avoir été enlevés de leur cellule au camp militaire de Kati – siège de la junte militaire -, dans la nuit du 2 au 3 mai 2012. » Les noms des 21 disparus figurent dans l’annexe II du rapport d’Amnesty.
« Plus récemment, en octobre 2013, un certain nombre de militaires ont été exécutés de manière extrajudiciaire ou ont disparu dans le cadre d’une purge menée au sein de l’armée par certains soldats fidèles au général Amadou Haya Sanogo. Ces militaires ont été visés suite à une mutinerie qui a éclaté, le 30 septembre 2013, dans une caserne située à l’extérieur de Bamako. (Ils) s’étaient rebellés contre certains membres de l’ex-junte à qui ils reprochaient de ne pas les avoir promus. »
Les forces de sécurité fidèles à la junte militaire auraient également pratiqué la torture à l’encontre de militaires et policiers accusés de soutenir ATT. Certains auraient également été emprisonnés dans des lieux de détention non officiels où ils auraient subi des sévices au cours d’interrogatoires.
Du côté des civils, le rapport pointe la responsabilité des services de sécurités maliens dans les disparitions forcées de personnes soupçonnées d’être des membres ou des sympathisants des groupes armés du nord. « Onze personnes, notamment plusieurs commerçants arabes, arrêtées par l’armée malienne à Tombouctou, auraient fait l’objet d’exécutions extrajudiciaires ou de disparitions forcées. Les corps de certaines d’entre elles ont été retrouvés quelques jours après leur arrestation. »
Toujours pour les mêmes raisons, les forces de sécurité maliennes auraient également exécuté au moins 40 civils de manière extrajudiciaire.
La prise de contrôle des grandes villes du nord, Gao, Kidal et Tombouctou par les groupes armés en avril 2012 s’est également accompagnée d’une myriade d’exactions comprenant pillages et destructions massives de services publics. La période d’occupation de la zone a elle aussi porté son flot d’horreur : violences sexuelles (notamment par des éléments du MNLA), châtiments corporels effectués au nom d’une interprétation de l’Islam, recrutement d’enfants soldats âgés de 12 à 17 ans.
Après le retrait des groupes armés des principales villes du nord, en janvier 2013, certains de ces enfants ont été arrêtés et détenus par les autorités maliennes dans des conditions aujourd’hui fortement décriées. Amnesty International demande l’application immédiate du protocole conclue entre par gouvernement malien avec les Nations unies pour la libération, le transfert et la protection de ces enfants.
Les conflits qui font rage dans le pays depuis deux ans ont également entrainé le déplacement de nombreux citoyens maliens à l’intérieur du pays et dans les pays voisins, en Mauritanie, Algérie, Burkina Faso, Niger. Fin juillet 2013, le Haut Commissariat de l’ONU pour les réfugiés estimait ainsi le nombre de réfugiés à 175 000 et le nombre de personnes déplacées à près de 340 000.
Enfin l’ONG note une un recours régulier à la prise d’otages par AQMI et le MUJAO dans le nord du Mali. Une quarantaine de personnes auraient été enlevées par AQMI depuis sa création en 2007. Sept pour le MUJAO. Une stratégie de terreur qui se solde parfois par de véritables drames, et dont les exécutions récentes des deux journalistes de rfi Ghislaine Dupont et Claude Verlon ont été la plus terrible démonstration.