Algérie, le chef de l’armée part guerre ouverte contre les réseaux sociaux

Le chef d’état-major Said Chengriha a publiquement fustigé les réseaux sociaux en les représentant comme le sanctuaire du crime organisé, alors que les élections législatives, prévues pour le 12 juin prochain, provoquent au mieux l’ironie, au pire le rejet d’une majorité de la population 

Sur les panneaux électoraux des élections législatives à venir , on peut lire « les ânes, mules et chevaux sont faits pour être montés pas pour être élus»

« Les réseaux sociaux sont connus pour leur rancune et leur haine envers l’Algérie, qui a réussi à contrer leurs attaques et mettre en échec tous leurs pans et complots menés à travers le cyberespace », prétend publiquement le général Chengriha. Tout ce qui est exagéré est insignifiant. Mais il n’empêche qu’il s’agit là d’un aveu d’échec de la stratégie de communication annoncée en grande pompe par le général Boualem Madi, directeur de la communication, de l’information et d’orientation (DCIO) du Ministère de la Défense Nationale (MDN). Lequel séminaire sur « les défis et les perspectives de l’ANP (Armée algérienne)  sur l’information,».

En effet, la mise sur pied, en juillet 2020, d’une structure au MDN chargée de « veille permanente des sites et des réseaux sociaux sur les questions liées à la défense et à la sécurité » n’a pas eu les résultats escomptés. L’armée dans son ensemble revoit sa copie qui a montré ses limites sur le terrain. Toute la stratégie de communication du MDN est remise en cause par ce second séminaire organisé au moins d’un an sur le thème cette fois ci de « La Cyber-sécurité et la cyber-défense: Enjeux et défis à la lumière des nouvelles mutations multidimensionnelles »  auquel le chef d’état-major a participé et a pris parole dénonçant « les tentatives de manipulation, la diffusion des messages de propagande, la promotion des idées subversives par ces réseaux ont, clairement, pour objectif de servir des agendas hostiles qui sont désormais démasqués pour tous ». Sans le nommer, le chef de l’armée fait allusion au Hirak résiliant en dépit de la politique de répression et les arrestations opérées au sein de ses rangs.

L’approche des élections législatives auxquelles l’armée veut passer en force deviennent un enjeu sécuritaire majeur. Les candidats peinent à remplir les salles ni pouvoir faire campagne sur les lieux publics. Leurs allocutions dans les meetings sont tournées en risées sur les réseaux sociaux. La bataille médiatique tourne en faveur des militant hirakistes notamment les journalistes couvrant leur marche de vendredi 

Sur les panneaux prévus pour les élections du 12 juin, des anonymes ont inscrit les prix des légumes sur les panneaux électoraux

Le Hirak, vainqueur médiatique

La campagne électorale est à ses débuts, envers laquelle les algériens manifestent une désaffection très marquée. Dans leur grande majorité, ils scrutent les médias alternatifs afin de s’enquérir des informations non formatées par les médias contrôlés par l’Etat. Ainsi la bataille de l’occupation des espaces penche en faveur des militants anti système. Une défaite sur le terrain médique est perçue comme une menace existentielle pour les vrais détenteurs du pouvoir réel dans le pays.

Le large panel présent lors du séminaire sur les activités cyber dénote l’inquiétude profonde des services de sécurité sur la non maîtrise de cet outil dévastateur. La présence des ministres de l’Intérieur, des Collectivités locales et de l’Aménagement du territoire, de la Communication, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, de la Numérisation et des Statistiques, des Postes et Télécommunications, du Directeur général de l’Institut National des Etudes de la Stratégie Globale prend un sens politique. Tandis que celle des corps constitués, du SG par intérim du MDN, les commandants des Forces armées et de la Gendarmerie nationale, le commandant de la 1ère Région militaire, les chefs de départements et les Directeurs et chefs des services centraux, les directeurs des services de sécurité octroient à l’évènement une dimension sécuritaire majeure.  

Les services de sécurité de la DGSI, du général Abdelghani RACHEDI comme celle de la DGSN Farid BENCHEIKH ont misé sur une politique de répression. Le dernier vendredi 118 du Hirak fut marqué par une présence d’une marée humaine en bleu prête à faire face aux manifestants pacifistes du Hirak. Alger la Blanche est dépeinte ainsi en bleu pou ce vendredi. Au centre-ville de la capitale, entre 20 et 30 000 policiers bien équipés de moyens répressifs étaient présents. Plus d’une centaine de fourgons paniers à salade et de voitures de police stationnés dans les rues d’Alger.

Un journaliste, préférant garder l’anonymat, témoigne: « Du jamais vu à Alger, une armada de policiers a été déployée pour empêcher les manifestants du Hirak de marcher pacifiquement. . Pourquoi toute cette logistique impressionnante pour empêcher un peuple pacifique qui ne fait que revendiquer des droits consignés dans une constitution récemment admise par référendum. Depuis le 22 Février 2019, chaque vendredi le mouvement populaire battait le pavé des rues de l’ensemble des villes du pays sans toutefois avoir été aussi inquiété que ces deux derniers vendredis. Le pouvoir est tombé dans une spirale qui, au lieu d’affaiblir le Hirak, l’a renforcé».

La Kabylie, voici l’ennemi

Sachant que le Kabylie ne prendra pas part aux élections législatives du 12 Juin prochain, le MDN déploie une stratégie qui fera de la région cause d’instabilité et de menace pour la sécurité nationale. Les manifestations du 23 mai à Strasbourg, celle du 29 à Genève et la marche du 06 Juin à Paris seraient l’émanation  de structures militantes kabyles actives sur le Net. Les services de sécurité se tiennent en retrait des manifestations qui ont lieu en Kabyle pour renforcer leur thèse centrale: le mouvement populaire ne serait  qu’une affaire régionale.

Rien ne neuf sous le ciel algérien lourd de menaces…