Algérie, le colonel Mesbah traque les opposants en Europe

Le procureur de la République près le tribunal de Bir Mourad Rais, sur instruction du pouvoir, a émis, ce dimanche, un mandat d’arrêt international contre les accusés Zitout Mohamed Larbi , Aboud Hichem, Boukhors Amir et Mohamed Abdellah, tous résidant en Europe, tous opposants au régime et tous des stars des réseaux sociaux. 

Après avoir concocté, en se discréditant auprès de la diaspora,un projet de loi pour faciliter la déchéance de nationalité des opposants résidant à l’étranger, le pouvoir algérien vient de lancer des mandants d’arrêt contre les plus influents des propagandistes hostiles au régime en place, poursuivis dans « une grave affaire pénale d’atteinte à l’ordre public et la sécurité et la stabilité de l’Etat ». Qui sont ces acivistes désignés comme de dangereux perturbateurs? Ce sont d’abord des stars des réseaux sociaux qui depuis l’Europe, profitent de leur liberté d’action pour nourrir un débat politique verrouillé en Algérie.

Le diplomate Mohamed Larbi Zitout

Zitout Mohamed Larbi est un ancien diplomate qui réside à Londres, opposant désormais proche du mouvement islamiste Rashad dont les interventions sont très suivies sur les réseaux sociaux 

Aboud Hichem, journaliste influent, vit dansle Nord de la France. Dans une autre vie, cet électron libre fut un cadre des services algériens. Hostile au régime de Bouteflika, il s’était finalement rallié au régime sur le tard. Ses analyses, qui reposent sur une vraie connaissance de l’institution militaire, sont souvent pertinentes, toujours imprévisibles. D’où leur effet dévastateur.

Amir Boukhors alias « Amir Dz », basé à Paris, est un blogueur algérien de 37 ans, proche lui aussi de Rashad, très apprécié sur les réseaux sociaux. Très informé de l’intérieur du système, cet activiste est une sorte de boite à lettres pour une fraction de l’armée et  a publié des centaines de dossiers de corruption liés à des responsables politiques et militaires du régime algérien.

Mohamed Abdallah, sous officier de la gendarmerie réfugié au sud de l’Espagne, était affecté à la surveillance des frontières entre l’Algérie et la Tunisie d’où il fut le témoin des trafics de drogue, de voitures, de cigarettes et autres entre les deux pays. Il est aussi proche des islamistes.  

Ces mandats pourront-ils être exécutés? C’est peu probable dans la mesure où les justices européennes respectent le droit pour les réfugiés politiques de s’exprimer librement.L’activiste Amir Boukhors avait déja été arrêté en juillet à Paris dans le cadre d’une procédure d’extradition, sans que la menace soit finalement exécutée

Il n’en reste pas moins qu’après le lancement de ces mandats d’arrèt, ces propagandistes seront surveillés de près, voire invités à plus de discrétion, par les services des pays où ils résident, comme l’espèrent à l’évidence les autorités algériennes.

La plupart de ces opposants sont de près ou de loin liés à la mouvance islamiste. En s’attaquent à eux, le pouvoir algérien affiche un positionnement  susceptible de rallier une partie de la population. De plus, ce parti pris qui a réussi à l’appareil sécuritaire algérien pendant les années noires entre 1992 et 1998 est à même de lui attirer la sympathie de la plupart des chancelleries occidentales.

Les cadres de l’ex DRS de retour

Pour organiser l’offensive , le régime a fait appel aux anciens cadres de l’ex DRS (services algériens) qui avaient représenté, pour le meilleur et le pire, le coeur du pouvoir algérien jusqu’en 2015, date de l’éviction de leur tout puissant mentor, le général Mohamed Mediéne, dit Toufik, aujourd’hui revenu en force dans les coulisses du pouvoir après un séjour en prison.

 

Voici un an, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, avait installé Mohamed Chafik Mesbah, comme directeur général de l’Agence algérienne de coopération internationale pour la solidarité et le développement. Cet colonel, qui se fait passer pour un politologue, est connu dans le monde de la presse algérienne pour ses multiples écrits dans les quotidiens El-Watan et surtout « le Soir d’Algérie », connu pour ses liens avec les barbouzes.

Mais ce colonel  avait surtout fait ses classes au DRS sous le règne du général Toufik, dont il fut le directeur de cabinet et dont il est resté très proche. C’est ainsi que durant le scrutin présidentiel de 1999, cet officier avait officiellement quitté l’armée pour participer à la campagne du très populaire Taleb Ibrahimi, un candidat mal vu par les militaires dont il observait les faits et gestes pour le compte de ses discrets patrons au sein des services.. 

La carotte et le baton

Le rôle de ce conseiller du Président Tebboune ne se limite pas à la chasse aux opposants. Dans la tradition de l’ex DRS, le colonel  Mesbah développe ses réseaux au sein de la société civile et de la classe politique.

Alors que le pouvoir algérien dénonce l’islamisation grandissante des manifestations populaires du Hirak, envoie ses émissaires rencontrer certains dirigeants islamistes en vue. Ainsi le conseiller sécurité du Président Tebboune est-il dans les meilleurs termes avec le président de « Hams », le parti algérien des frères musulmans qui est instrumentalisé par le pouvoir.

Plus surprenant encore, on découvre le colonel en compagnie du directeur de l’information d’Al Magharibiya, une chaine sur satellite  d’obédience islamiste qui est devenue un media entièrement dédié au Hirak.

Les deux hommes, apparemment de bonne humeur, sourient face aux objectifs des photographes.

Ainsi va le pouvoir algérien dans les jeux troubles de relations perverties avec la mouvance islamiste tour à tour approchée et réprimée 

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)

3 Commentaires

  1. Ne raconte pas de mensonges sur les activistes Algeriens, SVP.
    RACHAD n’est pas une organisation islamiste, Amir DZ n’est pas proche de RACHAd, Mohamed Abdellah est un ex – militaire et non pas un islamiste, Aarbi Zitout c’est in diplomate. Ok
    Oui les 03 activistes sont des musulmans et non pas des chrétiens et ils sont libres dans le choix de leur religion.
    Respectez nous et soyez objecti6dans vous punlocation

  2. L’allier idéologique du pouvoir militaire algérien, c’est l’intégrisme islamiste. L’un ne peut se passer de l’autre. Tout les deux, ils sont la barrière qui empêche le peuple algérien de s’émanciper. En plus clair, la combinaison gagnante de l’islam anesthésiant avec la violence militaire. En conclusion, les trois « opposants cités » sont de vrais faux opposants. Ils sont dans leur rôle pour lequel ils sont mandatés.

  3. « … nourrir un débat politique … » Plutôt nourrir leurs ventres creux … Je me demande comment ils arrivent à satisfaire leurs besoins puisqu’ils sont installés dans différents pays Européens ??? Il doit y avoir une rentrée pécuniaire quelque part assumée probablement par une tierce partie sauf s’ils vivent d’amour et d’eau fraîche.

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