Un ancien ministre koweïtien du pétrole condamné à Genève

Le cheikh Ahmad Fahad al-Sabah, ancien ministre du pétrole et membre du Comité international olympique (CIO), avait faussement accusé l’un de ses cousins (concurrent pour succéder à l’émir) de trahison au profit de l’Iran et… d’Israël.   

Ian Hamel, à Genève

A l’origine, c’est une histoire de Pieds nickelés. Il y a un peu plus de dix ans, en décembre 2013, le cheikh remet au gouvernement koweïtien une clé USB contenant un enregistrement vidéo. Une vidéo tournée clandestinement en Suisse sur les bords du lac Léman, en 2012, à Genève et Trélex. Le document, que l’auteur de l’article a pu visionner, est de très mauvaise qualité, les images sont floues, saccadées, le son inaudible. La caméra aurait été cachée dans un stylo. La vidéo “suggère“ que son cousin, le cheikh Nasser Al-Sabah al-Ahmad al-Sabah, Premier ministre de 2006 à 2011, et Jassim Mohammed Abdulmohsin Alkharafi, président du Parlement de 1999 à 2011 (décédé depuis), auraient comploté avec de hauts responsables iraniens pour renverser Sabah al-Ahmad al-Sabah, l’émir du Koweït. 

Pour enfoncer encore davantage le clou, l’enregistrement évoquerait des transactions financières avec… Israël. Ces accusations, si elles étaient avérées, pourraient coûter la peine capitale au cheikh Nasser. Les deux cousins, neveux de l’ancien émir, décédé le 20 septembre 2020, sont membres de la famille régnante al-Sabah. S’agissait-il d’évincer un concurrent bien placé dans l’ordre de succession au trône ? Rapidement, les investigations menées au Koweït concluent que le contenu de la clé USB « n’était pas authentique ». Mais comme il appartient à la famille royale, Ahmad al-Sabah n’est finalement pas inquiété. Il va même redevenir ministre.   

La suspension du CIO  

Le Cheikh n’est pas n’importe qui. Né en 1961, plusieurs fois ministre, il a été secrétaire général de l’OPEP. C’est surtout un membre très influent du Comité international olympique. Il a favorisé l’élection de l’Allemand Thomas Bach à la tête du CIO. Seulement voilà, en Suisse, cette histoire rocambolesque ne se passe pas aussi bien pour le cheikh. D’autant qu’il a des complices sur place. Le 10 septembre 2021, il est condamné par le Tribunal correctionnel de Genève à 30 mois de prison, dont 15 mois ferme, pour « faux dans les titres » (1). En appel, le 28 décembre 2023 (mais l’information n’a fuité que très récemment), le cheikh Ahmad al-Sabah n’écope que de deux ans de prison avec sursis.

Selon La Tribune de Genève, la Chambre d’appel et de révision qualifie sa faute d’« importante », sa collaboration avec la justice d’« assez mauvaise », et sa prise de conscience de « nulle ». L’ancien ministre koweïtien (il était encore ministre de la Défense et vice-Premier ministre jusqu’à la fin de l’année 2023) devrait faire recours au Tribunal fédéral (l’équivalent de la cassation) (2). N’étant pas condamné définitivement, il est toujours membre du Comité international olympique. Il s’est toutefois lui-même temporairement suspendu de tous ses droits, prérogatives et fonctions.                                                                                                                              

  • « Le puissant cheikh Ahmad joue son avenir politique et sportif à Genève », Swissinfo, 24 novembre 2022.
  • Sylvain Besson, « La justice condamne un puissant cheikh koweïtien », 19 janvier 2024.