Le premier président de la Tunisie post démocratique de 2011 à 2014, Moncef Al Marzouki, a été condamné ce mercredi 22 décembre à 4 ans de prison. Cette condamnation a fait suite aux critiques de l’ancien chef d’état i qui qualifia le coup de force de juillet passé de « putsch », qui a vu le président Kais Saied geler l’activité institutionnelle et concentrer tous les leviers du pouvoir entre ses mains.
Le bras de fer a commencé en octobre lorsque l’ancien président tunisien, Moncef Al Marzouki, prend la parole lors d’une manifestation tenue à Paris dans laquelle il demande aux autorités françaises de rejeter « tout soutien » au président tunisien et d’annuler le sommet de la Francophonie qui devrait se tenir fin novembre à Djerba.
Le sommet a été finalement annulé pour des raisons d’instabilité politique mais aussi pour des raisons sanitaires selon les organisateurs. Or depuis, le président tunisien Kais Saïed a qualifié les positions d’Al Marzouki d’acte anti national et exigé de la ministre de la justice de faire valoir le droit contre ce qu’il qualifiait de « traître à la nation » dans une réunion gouvernementale télévisée.
Kaies Essaid sur les pas de Sissi
L’actuel président tunisien a opéré un coup de force le 25 juillet passé, gelant les institutions et en s’arrogeant tous les pouvoirs à la présidence. Ainsi, il remet en cause les acquis de la révolution de janvier 2011 qui a succédé à la dictature de Ben Ali enclenchée. Le président Saied use de ses prérogatives présidentielles pour imposer une centralisation des pouvoirs et en remettant le retour au cadre institutionnel aux calendes grecs. Le sommet de la francophonie était pour lui une occasion d’affirmer la stabilité du pays et honorer la Tunisie à l’international.
L’instrumentalisation de la justice à des fins politiques relève de la culture dictatoriale. Les pratiques expéditives d’une justice aux ordres dénotent l’appétence du président tunisien à mettre au pas ses adversaires politiques de l’intérieur comme ceux de l’extérieur. Le 04 novembre 2021, un mandat d’amener international a été émis à l’encontre d’Al Marzouki pour avoir tenu des propos à la télévision française France 24 « allant à l’encontre de la sûreté de l’Etat et nuisant aux intérêts de la Tunisie à l’étranger ».
L’ombre du maréchal Sissi
Le président tunisien est désormais clairement dans les pas du président égyptien Abdelfattah Al Sissi, dont les services l’ont aidé à organiser le coup de force de juillet dernier. Une condamnation en catimini et sans présence d’avocat s’apparente aux sombres moments de l’histoire des régimes les moins démocratiques.
Toujours dans la même dlogique, le président Kaies a fait savoir à la presse tunisienne qu’il envisageait de prolonger d’un an ses pouvoirs d’exception alors qu’en juillet passé il a annoncé que l’activité parlementaire est gelée pour un mois renouvelable.
« Je n’ai jamais été convoqué par aucun tribunal, aucun avocat n’a assisté à cette condamnation, un certain nombre de juges se sont mis en catimini et voilà, ils ont décidé que je devais être condamné à quatre années de prison. Cela ne s’est jamais vu même dans les pires dictatures […] C’est probablement le président lui-même qui a prononcé la condamnation. C’est dire à quel point l’État de droit que j’avais contribué à mettre en place après la révolution est derrière nous » déclare Moncef Al Marzouki hier à un média libre.