Total occupe un terrain à Douala (Cameroun) sans payer de loyer 

Que faire si une multinationale française, pourtant condamnée par la justice, refuse depuis 1995 de respecter la loi ? 

 Par Ian Hamel, à Paris

C’est une histoire qui aurait pu se régler en quelques semaines, mais qui traîne depuis bientôt 30 ans. En mars 1995, Elf implante une station-service dans le quartier Dogsimbi à Douala, au Cameroun. L’emplacement jouxte la propriété de Hubert Elokan Ebongué, un terrain non-bâti de 5 547 m2. Sans autorisation, dès la construction de la station-service, la compagnie française empiète illégalement sur la propriété de son voisin sur une superficie de 1 215 m2. En stockant des marchandises et en y stationnant des véhicules. Cette appropriation rend impossible l’exploitation du reste de la surface libre, en la privant notamment d’accès à la voie publique.  

Dans un courrier, un avocat de la famille Ebongué, constate que Elf, devenue depuis TotalEnergies, a détruit l’une des bornes délimitant la propriété de son client avec la station-service et même « une partie du mur mitoyen ». « Le Tribunal de Première instance de Douala Ndokoti, le 23 août 2012, a ordonné la démolition des constructions érigées sur notre terrain. Il a constaté l’occupation sans droit ni titre du terrain par Total », souligne James Ebongué que Mondafrique a rencontré à Paris en décembre dernier.

Ce chirurgien, ancien chef de service à Fontainebleau, a pris la succession depuis la disparition de son père. Avec le temps, la famille ne s’oppose plus à la continuation d’exploitation de Total sur son site. Mais à condition, bien évidemment, que le préjudice subi soit indemnisé et qu’un loyer soit dorénavant versé tous les mois.   

Des conditions « dérisoires »    

Total a bien cherché à trouver un accord « pour la poursuite de nos activités sur une partie du site qui vous appartient », écrit-il le 17 avril 2013. Mais il n’évoque que 316 m2. La compagnie pétrolière propose une rétrocession des loyers de 2 765 000 francs CFA de 1995 à 2001 (soit 4 147 euros), et de 5 040 200 francs CFA de 2002 à 2013 (soit 7 560 euros). Et de 300 000 francs CFA par mois à compter du 1er janvier 2014. Des conditions que James Ebongué considère comme « dérisoires ». Total Cameroun ne fait même pas allusion « aux 4 347 m2 restants et inexploités depuis des décennies pour non servitude de passage ».

Depuis, la situation étant totalement paralysée au Cameroun, la famille s’est adressée à William Bourdon, l’un des ténors du barreau parisien, pour tenter de débloquer la situation. Dans un courrier en date du 3 avril 2015, l’avocat propose à Total Cameroun une contre-proposition « à hauteur de 15 000 francs CFA [22,50 euros] par m2 et par an pour l’ensemble du passif d’occupation abusive ». Une indemnisation portant sur la totalité du terrain, « à savoir la surface de 5 547 m2, et non seulement sur la partie bâtie occupée par votre société ». Il rappelle que cette occupation abusive « nuit et empêche l’exploitation de la surface restante ».

Un courrier au PDG de TotalEnergies

Face à l’inertie de Total Cameroun, une copie du courrier est adressée au siège de la maison-mère à Paris. Sans plus de résultat. Le 20 avril 2023, James Ebongué envoie un courrier recommandé avec avis de réception à Patrick Pouyanne, le PDG du Groupe TotalEnergies. Il lui demande non seulement un règlement du passif, mais « aussi de définir les conditions d’un bail légal qui mettrait fin à ce contentieux ». Il ajoute que « le comportement de votre filiale camerounaise ne correspond en rien ni à l’éthique, ni à la probité de votre compagnie ». Une missive restée elle aussi lettre morte, nous assure James Ebongué.  

De son côté, Mondafrique a contacté Total Cameroun afin de recueillir sa version des faits. Nous avons reçu reçu le jour même un mail nous informons que notre message avait été transmis au service juridique, qui devait nous revenir « dans les meilleurs délais ». Mais depuis, plus aucune nouvelle, malgré une relance de notre part.        

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1 COMMENTAIRE

  1. Pas étonnant qu’avec des pratiques pareilles la France se fasse virer de tous les pays d’Afrique francophone. Après le Mali, le Burkina et le Niger, le Cameroun sera-t-il le prochain ?

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