A quelques jours du début des 25èmes commémorations du génocide des Tutsis du Rwanda, l’association Survie accuse l’ancien Secrétaire général de l’Elysée, Hubert Védrine, de « déni et non-dits ».
Rapport téléchargeable sur ce lien
Alors que l’Elysée s’apprêterait, selon plusieurs journalistes, à annoncer ce vendredi la composition d’un comité d’historiens chargé de travailler sur « la place du génocide des Tutsis dans notre mémoire collective » (selon les termes employés par Emmanuel Macron le 23 mai 2018), l’association Survie publie un rapport intitulé « Déni et non-dits : 25 ans de mensonges et silences complices sur la France et le génocide des Tutsis du Rwanda ». Cette synthèse propose en fait 25 documents officiels déjà connus et une galerie de portraits qui, mis bout à bout, donnent une image tristement cohérente qui doit amener les citoyens et responsables politiques français à l’évidence : il est temps que les plus hautes autorités de l’Etat reconnaissent officiellement le génocide des Tutsis du Rwanda mais également les soutiens diplomatiques, militaires et économiques apportés aux extrémistes hutus avant et pendant le génocide par les autorités civiles et militaires françaises.
Pour mettre en scène ce soutien, l’association Survie a ressorti la (fausse) caisse d’armes qu’elle avait tenté de rapporter l’année dernière à l’ancienne adresse du ministère de la Défense, simulant le renvoi à l’expéditeur d’une partie des armes envoyées par l’exécutif français au gouvernement génocidaire en 1994 [1]. Puisque les autorités françaises avaient refusé de récupérer cette caisse l’année dernière, les faux facteurs de l’association Survie ont décidé de la ramener à Hubert Védrine, qui était Secrétaire général de l’Elysée lorsque la France a soutenu les génocidaires. Comme l’explique François Graner, chercheur de l’association Survie, « Monsieur Védrine intervient depuis quelques jours dans les médias pour défendre l’action de la France, en dénonçant une sorte de machination qui reviendrait à salir l’action du président François Mitterrand, dont il défend toujours le bilan en termes de politique africaine. Il était donc logique de lui remettre la caisse, puisqu’il semble assumer ! Il a même reconnu devant des députés, en 2014, que les livraisons d’armes s’étaient poursuivies au-delà du début du génocide. » [2] C’est pour cette raison que les facteurs de l’association ont ramené leur caisse à l’adresse professionnelle d’Hubert Védrine, où ils ont posé devant une plaque « Expert en dénégation de complicité de génocide » mise au mur pour l’occasion.
Comme le précise François Graner, « on aimerait qu’Hubert Védrine dise enfin tout ce qu’il sait, y compris dans le cadre de procédures judiciaires comme le dossier Bisesero, mais sa personnalité très médiatique ne doit cependant pas être l’arbre qui cache la forêt. Nous publions 25 documents et une galerie de portraits, que nous enrichirons d’ailleurs au moment de l’anniversaire de l’opération Turquoise, pour rappeler que malgré l’évidence du soutien français aux génocidaires, tout n’est pas encore connu, et on aimerait que des acteurs clés de l’époque parlent enfin. Et nous demandons surtout la reconnaissance officielle de ce soutien français. »
Par cette action et cette publication, l’association Survie lance sa campagne « 25 ans d’impunité », sur les complicités françaises dans le génocide des Tutsis du Rwanda, qui va se poursuivre jusqu’à cet été, avec notamment un focus sur le rôle de l’opération Turquoise (déclenchée le 22 juin) et sur les « 3 jours de trop à Bisesero », où l’armée française laissa sciemment des centaines de Tutsis se faire massacrer sans intervenir, du 27 au 30 juin 1994 ; une affaire qui fait aujourd’hui l’objet d’une instruction judiciaire, dont les parties civiles tentent d’empêcher qu’elle soit enterrée [3].