« Vous avez dit droits humains ? Il faut demander l’autorisation ailleurs », nous a répondu le hakim (un agent municipal), à qui nous avions demandé si nous pouvions organiser une conférence de presse en février dans un hôtel de Nouakchott, la capitale de la Mauritanie.
par Candy Ofime
Normalement, le hakim décide de la délivrance de telles autorisations, mais comme nous avions l’intention de présenter un rapport critique envers les restrictions imposées par le gouvernement aux défenseurs des droits humains dans le pays, il n’a voulu prendre aucun risque.
« Si le Commissariat aux droits humains donne son accord, alors moi aussi », a-t-il ajouté, en faisant référence à un organe gouvernemental. Au cours des deux jours qui ont suivi, nous avons formulé des demandes d’autorisation auprès du Commissariat, des ministères et d’autres organismes officiels, mais n’avons reçu aucune réponse. Peu avant le 12 février, date prévue pour le lancement de notre rapport, l’hôtel nous a confirmé ce que nous suspections : pas de permis, pas de conférence de presse.
Notre rapport passe en revue les législations et pratiques auxquelles la Mauritanie recourt pour restreindre l’activisme en faveur des droits humains. Les obstacles que nous avons rencontrés pour assurer le lancement de notre rapport à Nouakchott nous ont donné un aperçu des difficultés auxquelles les Mauritaniens sont confrontés lorsqu’ils souhaitent évoquer des sujets sensibles, en particulier les questions d’ethnicité, de discrimination et de la nécessité de traduire en justice les auteurs d’abus commis dans le passé.
Nous avons finalement organisé notre conférence de presse dans une salle peu spacieuse du siège du Forum des organisations nationales de droits humains (FONADH), un collectif d’organisations non gouvernementales mauritaniennes reconnues légalement.
Des sources fiables nous avaient avertis que même si les autorités ne bloqueraient pas la conférence, des éléments perturbateurs feraient irruption pendant l’événement, une tactique couramment employée contre les organisations indépendantes de défense des droits humains.
En effet, peu après notre présentation, une question hostile de la part d’un « journaliste » a déclenché une réponse virulente de la part d’un activiste, avant que le débat ne sombre dans l’invective.
La Mauritanie peut être bien plus répressive. L’activiste Abdallahi Salem Ould Yali est détenu depuis le 24 janvier pour avoir diffusé sur les réseaux sociaux des messages dénonçant la discrimination, et Mohamed Ould Mkhaitir avait été condamné à mort pour apostasie, jusqu’à ce que sa peine soit réduite en appel, en raison d’un article publié en ligne dans lequel il critiquait la discrimination de caste.
Les autorités ont certes permis aux équipes de Human Rights Watch de se rendre dans le pays et nous ont même rencontrés. Mais les activistes se heurtent à des obstacles, comme l’illustre la répression récente par le gouvernement de manifestations d’activistes antiesclavagistes contre l’insécurité alimentaire.
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