Les dirigeants russes auraient demandé au parti chiite de faciliter la formation d’un nouveau gouvernement libanais et de se retirer de Syrie.
Une chronique de Michel Touma
Le Liban est le théâtre depuis plusieurs jours d’intenses démarches au plus haut niveau en vue de faciliter la mise sur pied d’un nouveau gouvernement dont la formation est bloquée depuis près de sept mois. En apparence, la crise ministérielle serait due à des divergences entre le président de la République Michel Aoun et le Premier ministre désigné Saad Hariri au sujet du choix de certains ministres et de la répartition des portefeuilles, sans compter la volonté attribuée au camp du chef de l’Etat de désigner directement le tiers des ministres afin de mieux contrôler l’action du Cabinet.
Nombre d’observateurs et divers milieux politiques affirment toutefois que cette crise ministérielle est provoquée en réalité non pas par des considérations politiciennes ou partisanes mais plutôt par l’attitude du régime iranien qui manipulerait des acteurs locaux afin d’exploiter à fond la carte libanaise et de prendre le Liban en otage dans le but de renforcer sa position dans le bras de fer qui l’oppose aux Etats-Unis et à l’Union européenne. Il reste que le président de la République et le Premier ministre désigné doivent tenir, en principe, une réunion ce lundi 22 mars afin de faire le point de la situation. Les milieux politiques libanais qualifient cette journée de « décisive », en ce sens qu’elle devrait débloquer le processus de formation du nouveau gouvernement, ou à défaut, l’escalade politique et l’agitation dans la rue risqueraient de prendre un tournant particulièrement dangereux.
Le Hezbollah à Moscou
C’est dans un tel contexte qu’est intervenue au début de la semaine écoulée la visite à Moscou d’une délégation du Hezbollah libanais de haut rang, conduite par le chef du bloc parlementaire du parti pro-iranien, le député Mohammed Raad.
Il ressort de plusieurs sources concordantes, que les responsables russes ont pressé le Hezbollah de faciliter la formation du gouvernement « sous la présidence de Saad Hariri ». Dans une interview accordée à Moscou à la chaîne RT (Russia TV), Mohammed Raad a confirmé cette demande présentée par la partie russe qui a souligné en outre qu’il ne saurait être question de faire « marche arrière » pour ce qui a trait au choix de M. Hariri comme Premier ministre. Celui-ci avait rencontré il y a une dizaine de jours le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, lors d’une visite aux Emirats arabes unis.
Mais bien au-delà du problème de la crise ministérielle au Liban, les entretiens de la délégation du Hezbollah à Moscou auraient porté essentiellement sur la situation en Syrie et sur l’implication directe de la milice du parti chiite libanais dans les combats aux côtés des forces loyales à Bachar el-Assad. Le quotidien arabophone al-Chark el-Awsat (édité à Londres et proche de l’Arabie Saoudite) indique sur ce plan, citant un officier supérieur syrien dissident, le brigadier Ahmed Rahhal, que les dirigeants russes ont demandé expressément, et avec insistance, au Hezbollah de se retirer de Syrie dans les plus brefs délais et de faciliter la formation et l’action d’un nouveau gouvernement au Liban. Le député Mohammed Raad aurait protesté contre les requêtes russes, soulignant que son parti « ne pouvait pas se retirer de Syrie », prétextant « la présence d’organisations terroristes » dans ce pays. Ce à quoi les responsables russes auraient rétorqué que « la situation en Syrie relève de la responsabilité de Moscou, et la présence du Hezbollah nuit aux intérêts de la Russie et du président Assad ». Cette demande russe de retrait du parti chiite de Syrie a été évoquée par plusieurs sources au Liban, au cours des dernières quarante-huit heures.
En tout état de cause, le « Chark el-Awsat » indique, citant des sources politiques à Tel-Aviv, que l’implication iranienne en Syrie et la nécessité d’y mettre un terme ont été discutées lors de la visite que le chef de la diplomatie israélienne Gabi Ashkenazi a effectuée, également la semaine dernière, à Moscou où il s’est entretenu longuement de la question avec son homologue russe.