Au pouvoir depuis le départ de l’ancien Président Ben Ali, le mouvement islamiste Ennahda a mobilisé ses troupes, le samedi 27 février, pour une marche de soutien aux institutions de l’État.
Pour mener à bien cette démonstration de force, un important dispositif a été mis en place : les accès à l’avenue Habib Bourguiba et aux rues adjacentes ont été bloquées, la présence policière a été décuplée et des bus et sandwichs ont été à la disposition des sympathisants, venus des quatre coins du pays, avec des pancartes pro-système.
Voici le paradoxe tunisien: les islamistes qui sont présentés dans de nombreux pays comme des fauteurs de troubles et des partisans d’un hypothétique califat sont devenus en Tunisie desgarants de l’ordre public et des défenseurs des institutions.
Hichem Mechichi, protégé de Ghannouchi
En guerre ouverte avec le président de la République, Kaïs Saïed, Rached Ghannouchi, patron du mouvement islamiste et président de l’ssemblée,, a appelé à ce rassemblement en appui au gouvernement de son protégé Hichem Mechichi. Au nom de l’unité nationale, de la Révolution et de la démocratie”, mais sans s’appesantir sur le bilan de la participation de son mouvement à la plupart des gouvernements depuis le printemps tunisien de 2011.
En dix ans de règne, l’économie tunisienne est au bord de la failllite et la note souveraine de la Tunisie s’est dégradée à B3 avec perspective négative par l’agence de notation Moody’s. « La crise sociale est profonde, note le journaliste Maher Hajbi, l’imbroglio politique est permanent, la dette extérieure est insoutenable, la corruption demeure monnaie courante et le spectre de la faillite plane. Pour résumer, le pays, dirigé par Ennahda, poursuit sa vertigineuse descente aux enfers.
Nomadisme politique
Bizarrerie de la transition démocratique tunisienne, Rached Ghannouchi est conseillé désormais par Mohamed Ghariani, ex secrétaire général du RCD, le parti aujoud’hui dissous de l’ancien président Ben Ali, qui avait emprisonné et torturé ls islamistes par milliers durant son rêgne.
Autre surprise, cette marche a eu lieu en infraction des mesures de prévention sanitaire en place, pour juguler la propagation du coronavirus qui est inquiétante en Tunisie. Ce qui explique que les citoyens tunisiens doivent respecter les horaires du couvre-feu, le port obligatoire du masque,et l’interdiction de soutenir leurs clubs préférés dans les stades.
Les islamistes seraient-ils au dessus des lois?
Même pas peur !
Monsieur R. Ghannouchi vient de procéder à une démonstration de force en mobilisant ses militants et sympathisants.
La puissance de la mobilisation d’un mouvement ou d’une manifestation se mesure par sa pérennité dans le temps. Les actions coup-de-poing comme celle que nous venons de vivre montre une capacité organisationnelle, mais elle ne dit rien sur sa pérennité.
Ennahdha est un mouvement politique ancien, suffisamment bien ancré dans le paysage politique tunisien, rien d’étonnant qu’il mobilise ses troupes. Cependant, cette mobilisation sonne comme une fin de règne. Beaucoup d’argent a été dépensé, une logistique d’enfer, pour une poignée de personnes qui s’est vite dispersée juste après le discours du leader. Un discours sans substance, inutile, caractérisé par la vieille sémantique sur la citoyenneté et la rhétorique du vivre ensemble. En somme de la com, rien que de la com.
Lors de la manifestation du 6 février, pour la commémoration du 8 anniversaire de l’assassinat de Chokri Belaïd, la mobilisation était spontanée et la ferveur des militants était à son zénith. Aujourd’hui, il n’y avait pas cette ferveur. On avait l’impression d’être dans une manifestation organisée par des gros bonnets de la communication.
L’handicap aujourd’hui du mouvement de Rached Ghannouchi, qui a perdu plus d’un million de voix en moins de 10 ans -il faut le rappeler-, réside dans ses cadres qui sont archaïques dans leurs pensées et leurs méthodes. Ils refusent l’émergence d’une nouvelle génération plus à même à prendre les commandes pour moderniser le parti.