Kaya Kistnen, un proche du Mouvement socialiste militant (MSM) – la locomotive de l’alliance gouvernementale à l’Ile Maurice- a été tué le 16 octobre 2020. Ce meurtre éclaire d’un jour sombre la vie politique et financière de la paisible Ile Maurice qui apparait à des milliers de vacanciers comme un modèle de paix sociale au coeur d’une Afrique en crise. Les premiers résultats de l’enquête, révélés dans la presse, ont créé un profond malaise dans le monde politique mauricien
Une enquête de Vel Moonien
« Bienvenue à Mafialand ». « Crime politique ». Ces titres ont été publiés par l’hebdomadaire dominical Week-End il y a deux semaines face aux conclusions du rapport de l’enquête judiciaire qui mettent en cause certains au gouvernement pour le meurtre de l’activiste politique Soopramanien Kistnen. Ils résument le sentiment qui anime ces jours-ci les médias « indépendants » et le public vis-à-vis de l’enquête policière qui traîne depuis deux ans. Ils traduisent aussi la frustration que l’ex-ministre du Commerce Yogida Sawmynaden n’ait pas encore été formellement interrogé en tant que suspect.
Aussi appelé Kaya Kistnen, ce proche du Mouvement socialiste militant (MSM) – la locomotive de l’alliance gouvernementale – a été tué le 16 octobre 2020. Son cadavre partiellement calciné a été découverte dans un champ de cannes à sucre à Telfair, Moka, deux jours plus tard. La police criminelle de Moka avait d’abord évoqué un suicide, d’où la tenue d’une enquête judiciaire. Alors qu’elle n’avait même pas démarré ses travaux, la Major Crimes Investigation Team (MCIT), une unité spécialisée dans les homicides avait été saisie du dossier, le meurtre ayant été établi.
Des dépenses électorales excessives
Ce petit entrepreneur du BTP n’était pas un vulgaire militant politique. Il a aidé à faire élire le Premier ministre Pravind Jugnauth, la vice-Première ministre Leela Devi Dookun-Luchoomun et l’ex-ministre du Commerce Yogida Sawmynaden dans la circonscription de Moka/Quartier-Militaire aux élections générales de novembre 2019. Chef-agent du MSM dans cette circonscription, il tenait un journal sur l’ensemble des dépenses des trois candidats. Ses notes démontreraient que le trio aurait largement dépassé le barème autorisé par la loi.
Les analyses des experts la police scientifique démontrent que Kaya Kistnen est mort d’un œdème pulmonaire, lequel a été provoqué lorsque son corps a été brûlé, comme le prouvent les particules de suie retrouvées dans ses voies respiratoires. Or, ces deux détracteurs, dont l’un est un ancien député de l’opposition, évoquent une asphyxie, dont l’un par étranglement alors qu’il n’y aucune trace de fractures au niveau de ses vertèbres cervicales. Son os hyoïde était intact, ce qui n’aurait pas été le cas s’il s’agissait d’une strangulation.
Un examen commandité en France auprès du DocteurAlexis Bruniau de l’Institut d’histopathologie et expert auprès de la Cour internationale de justice montrerait que Kaya Kistnen n’a pas été transporté, déja mort, jusqu’au champ de cannes comme ont tenté de faire croire les « Avengers ». Il était encore en vie lorsque son corps a été incendié.
La magistrat Vidya Mungroo-Jugurnath s’en prend en tout cas à la police dans la gestion de cette enquête. Elle l’accuse d’avoir descendu à « un niveau d’incompétence jamais atteint » et sous-entend que tout a été fait pour protéger le pouvoir. Pourtant, ces éléments étaient déjà connus à mesure qu’elle auditionnait des témoins. Ses conclusions adressées à la fin de l’année dernière au Directeur des poursuites publiques, l’équivalent du procureur de la République, ont été publiées par une radio privé deux jours avant les deux ans de ce meurtre, a mis le feu aux poudres.
Ce document était censé demeurer confidentiel. Sa publication servira à n’importe quel suspect à se construire un alibi, a vivement déploré le garde des Sceaux, Manish Gobin, lui-même un ancien magistrat. Il a vertement critiqué le DPP et l’a invité à réclamer une enquête sur cette « fuite » qu’il attribue à un avocat du ministère public particulièrement proche de l’opposition. Il a aussi fait valoir que la publication du document a coïncidé avec la reprise des travaux parlementaires, estimant que cette « fuite » a été orchestrée dans une tentative de déstabiliser le gouvernement.
Un climat malsain
Dans les faits, le mobile du meurtre basé sur les dépenses des trois candidats du MSM, l’attribution des contrats et même l’accusation d’emploi fictif a été balancé en maintes occasions par un groupe d’avocats de l’opposition, qui se font appeler les « Avengers » qui représentent Simla Kistnen. Après la découverte du cadavre, ils avaient mis de l’avant la théorie qu’une voiture rouge avait transporté le cadavre jusqu’au champ de canne à sucre de Telfair, à Moka. S’ils ont évoqué cette thèse, c’est parce que l’un des ex-gardes du corps de Yogida Sawmynaden possède un véhicule rouge.
Les « Avengers » ont ensuite changé de version, en accusant un gros bras et un trafiquant de drogue d’avoir tué Kaya Kistnen lors d’un règlement de compte. La MCIT, elle, a orienté son enquête sur un gros bras proches de ces avocats. Celui-ci travaillait pour un entrepreneur du BTP à qui la victime devait au moins un million de roupies.