Une étude du professeur Peter Viggo Jakobsen pour le Collège de Défense Royal Danois, publiée en juin 2023, revient sur comment ce phénomène de piraterie somalienne si médiatisé s’est soudainement arrêté en 2012, après des années d’attaques et des milliards de dollars de pertes et dégâts. Mateo Gomez.
En 2011, des pirates ont mené 212 attaques dans les eaux de l’océan indien, la mer rouge et le golfe d’Aden, le long des côtes somaliennes et souvent même au-delà. Selon la banque mondiale, l’économie global en pâtissait au niveau de 18 milliards de dollars de pertes par an. Les pirates auraient reçu plus de 400 millions de dollars en rançons entre 2005 et 2012. Aucune solution à l’époque semblait fonctionner, l’escalade sécuritaire lancée par les plus puissantes marines du monde ne menaient nulle-part, au point où les nations comme les entreprises concernées se disaient que la solution résidait sur les côtes somaliennes, où seuls des efforts herculéens en construction d’un état-nation pourrait stopper le problème à la racine. Une aventure couteuse à laquelle personne ne voulait se risquer, au vu des situations en Irak et en Afghanistan.
Mais finalement, nullement besoin: en 2012 seulement 10 attaques furent enregistrées, et depuis, seulement deux bateaux ont étés sabordés jusqu’à aujourd’hui. En réalité, les enjeux étaient trop grands pour ignorer ou supporter le problème: le golfe d’Aden, qui connecte l’océan indien et la mer rouge et qui mène au canal de Suez, est une étape essentielle du fret maritime et du commerce mondial, et les pertes étaient monstrueuses. C’est cette situation unique qui a permis l’émergence de la solution rapide: la coopération, si difficile en d’autres circonstances. Les pirates avaient le mérite d’attaquer de manière indiscriminée, et donc tout le monde était concerné. Actions militaires jointes (entre membres de l’OTAN mais aussi entre les membres du conseil de sécurité de l’ONU), création d’une institution dédiée au problème (le Contact Group on Somali Piracy), et le travail de fond avec les autorités Somaliennes. Car finalement, pas besoin de construire une nation fonctionnelle depuis 0 pour atteindre un objectif si ciblé. Un accord sur un nouveau cadre légal et la construction de prisons sur les côtes aux frais des acteurs concernés auront suffi.
Un succès difficile à reproduire ailleurs. Les pirates somaliens ont tapé sans discriminer là où ça fait mal, et se sont attirés les foudres des plus puissants. C’est moins le cas au golfe de Guinée en Afrique de l’Ouest par exemple, où la lutte contre la piraterie est beaucoup plus molle qu’en Somalie. La-bas, les intérêts s’alignent moins, et l’effort n’en vaut pas la peine.