L’ ONG International Crisis Group (ICG) a publié il y a une semaine un rapport mettant en exergue les faiblesses de l’armée tchadienne, premier allié militaire de la France au Sahel.
« Heureusement, les Tchadiens sont avec nous ». La classe politique française qui regrette souvent l’absence de relève des armées du G5 Sahel dans la lutte contre le terrorisme, est toujours prête à faire une exception pour les militaires du président Déby. Or à deux semaines du sommet qui réunira à N’Djamena les Présidents des 5 pays du G5 et Emmanuel Macron, un rapport d’International Crisis Group jette une ombre sur la cohésion et la solidité de l’armée tchadienne à moyen terme, à quelques mois de l’élection présidentielle d’avril 2021.
Mahamat Abali Salah, ministre délégué à la présidence du Tchad chargé de la Défense nationale, a d’ailleurs vivement protesté sur RFI le 26 janvier, estimant que les auteurs du rapport cherchaient « de façon insidieuse, sur la base d’éléments subjectifs, de discréditer l’armée nationale tchadienne tout en mettant en exergue le caractère incontournable et le rôle déterminant qu’elle joue dans la lutte contre le terrorisme au Sahel. »
Tensions communautaires
Les chercheurs de l’International Crisis Group, de leur côté, pointent la faiblesse de la cohésion générale, les tensions communautaires et les problèmes de discipline de l’armée tchadienne, réputée pour sa rudesse et sa bravoure. Dans un climat social et économique dégradé par la chute des cours du pétrole, ICG estime que se posent « des risques de succession violente si le Président devait quitter le pouvoir. »
Pour ICG, « les différences de traitement entre les troupes d’élite et les autres soldats ainsi que le manque de représentativité régionale et ethnique aux postes de commandement minent la cohésion de l’armée tchadienne. » Par ailleurs, écrit l’ICG, « des dissensions inhabituelles ont vu le jour ces dernières années, certains officiers refusant de combattre leurs parents rebelles et d’autres, certes peu nombreux, critiquant publiquement la gestion des affaires militaires. »
Le commandement des troupes d’élite, mieux traitées et équipées que les autres forces, est confié exclusivement à des officiers appartenant à l’ethnie du Président, qui a par ailleurs nommé plusieurs membres de sa famille aux postes clé.
L’armée, fer de lance de Déby
L’armée tchadienne est le principal argument du Président Idriss Déby pour exercer une influence politique dans la région et sur la scène africaine. Cette armée s’est illustrée lors de l’opération « Serval » dans la traque contre les djihadistes au nord du Mali en 2013, dans le cadre d’une solide et précieuse alliance tactique avec la France. Depuis 2014, les militaires tchadiens sont très présents autour du bassin du lac Tchad, aux côtés du Niger et du Nigeria, au prix de lourdes pertes.
Le Président tchadien a monnayé cette influence, dans un contexte de rareté des ressources militaires, par plusieurs postes stratégiques à l’international, dont le plus emblématique est la présidence de la Commission de l’Union Africaine occupée par le tchadien Moussa Faki, dont la réélection se décidera début 2021.
N’Djamena, capitale du G5
N’Djamena abrite l’état-major de la Force Multinationale Mixte (FMM), qui combat autour du lac Tchad, et le commandement de la force Barkhane. Près de 3000 soldats tchadiens sont engagés au sein de la FMM et un contingent tchadien de 500 soldats au sein de la force G5 dans la zone des trois frontières (Mali, Burkina Faso, Niger)- soit 3500 hommes sur un effectif total qui fluctue, selon les sources entre 45 000 et 60 000 hommes.
Le Global Power Index 2020 qui classe la puissance militaire des forces armées des pays dans le monde vient de paraître. Établi annuellement par Global Fire Power (GFP), un site américain spécialisé dans les questions de défense, cet index fait, cette année, l’état de la puissance militaire de 138 pays dans le monde, dont 35 en Afrique.