La vie publique à l’Ile Maurice manque de transparence

Le nouveau parti de centre gauche Linion Pep Morisien (LPM), dont l’un des dirigeants est l’ancien garde des Sceaux Rama Valayden, souhaite un meilleur « accès à l’information » au sein des institutions publiques.

Vel MOONIEN

C’est un vœu pieux des différents partis politiques à l’île Maurice : celui de faire voter une loi en faveur de l’accès à l’information pour une meilleure transparence au sein des institutions publiques et autres corps parapublics. Une fois qu’ils sont au pouvoir, à l’instar de l’Alliance Lepep à l’issue des élections générales de décembre 2014, cette promesse part aux oubliettes. Le nouveau parti de centre-gauche Linion Pep Morisien (LPM), dont l’un des dirigeants est l’ancien garde des Sceaux Rama Valayden, est revenu à la charge il y a peu en présentant un projet de loi qui forcera le ministère des Finances, par exemple, à publier dans un délai de 10 jours tout document officiel.

Invité à s’exprimer sur ce sujet qu’il qualifie de « complexe », l’ancien rédacteur en chef du quotidien L’Express et ex ministre sous de précédents gouvernements de feu Anerood Jugnauth, Jean-Claude de l’Estrac a souligné à l’antenne de Radio Plus que les Mauriciens ne doivent pas avoir trop d’espoir dans le vote de cette loi. « Des grandes volontés politiques s’opposent à un tel projet, a-t-il expliqué, sinon la loi aurait été votée depuis longtemps déjà ». Jean-Claude de l’Estrac a tenu à rappeler que ce sont surtout les partis dans l’opposition qui se disent en faveur de l’accès à l’information, mais qu’ils finissent par retourner leurs vestes quand « ils commencent eux-mêmes à avoir des secrets ». Une telle loi, a-t-il admis, sera  bénéfique pour une grande majorité des Mauriciens, car elle leur permettra d’avoir des réponses sur certains aspects de leur vie de tous les jours. 

La presse jugée relativement libre

Début août, le cabinet Straconsult a publié les résultats d’un sondage qui révèlent qu’un Mauricien sur deux  est en faveur d’une loi en faveur de l’accès à l’information. Deux tiers des Mauriciens (64 %) estiment que les médias sont à peu près ou totalement libres. Ils sont 85 % (+23 % depuis 2017) qui sont en faveur d’une presse libre même si 12 % sont d’avis que le gouvernement est en droit d’empêcher la publication de certaines informations. Les partisans d’une presse libre issus de milieux modestes (89 %) et ont fait des études jusqu’au secondaire (86 %); voire universitaires (88 %).

86 % des sondés font également valoir l’importance des médias d’enquêter sur la corruption au sein du gouvernement. C’est un bond de 13 % par rapport à un sondage similaire il y a deux ans. Ils sont également 92 % à penser que les budgets des collectivités locales doivent être accessibles au public, tout comme les détails entourant les contrats publics (88 %). Ils sont aussi favorables à ce que les salaires des fonctionnaires, tels ceux des enseignants, soient rendus publics (71 %). Ce sondage a été mené en 2012, 2014, 2017 et 2020. En 2014, en pleine campagne électorale, lvan Collendavelloo, partenaire de l’Alliance Lepep, évoquait l’importance de l’accès à l’information.

« Il y a eu une mauvaise gouvernance pendant dix ans, ce qui a causé un affaiblissement de la démocratie », déclarait-il. A l’époque, les deux gouvernements successifs de Navin Ramgoolam étaient émaillés d’actes de corruption et d’une longue liste de scandales. Nandanee Soornack et Rakesh Gooljaurry, la maîtresse et l’homme de confiance du Premier ministre, avaient bénéficié de passe-droits qui leur ont permis de décrocher de contrats mirobolants à l’aéroport de Plaisance. Le second a même obtenu un demi-milliard de roupies sous forme de prêts d’une banque de l’Etat sans garanties en contrepartie, ce qui a, entre autres, poussé à la fermeture de l’établissement lors de l’élection de l’Alliance Lepep.

« Tout citoyen sera en mesure d’avoir accès à des informations qui l’interpellent », promettait Ivan Collendavelloo, celui qui allait être nommé Premier ministre adjoint au départ de Xavier-Luc Duval du gouvernement. Depuis, le Premier ministre Pravind Jugnauth s’est caché derrière le fait qu’Air Mauritius et Mauritius Telecom – dont l’Etat est l’actionnaire majoritaire – soient des compagnies privées pour refuser de répondre à l’Assemblée nationale sur certains dossiers les concernant. Il avait, entre autres, refusé de communiquer le montant des salaires de son ex-protégé, Sherry Singh. Lequel a avoué qu’il percevait plus de 700 000 roupies par mois lors de sa démission fin juillet.

Deux des dossiers brûlants jalousement dissimulés aux yeux du public portent sur l’accord entre Huawei et la police – avec Mauritius Telecom, dont le français Orange est actionnaire à 40 %, comme intermédiaire – pour le projet Safe City et le contrat signé entre l’Inde et Maurice au sujet de la réalisation d’une piste d’atterrissage et d’un quai en eau profonde dans l’archipel d’Agalega. Dans le premier cas, même le National Audit Office, l’équivalent de la Cour des comptes, n’a pas eu accès au contrat qui porte sur l’installation d’un système de vidéosurveillance intelligente. Une loi pour l’accès à l’information avait fait l’objet d’une étude par l’avocat britannique Geoffrey Robertson sous un le mandat de Navin Ramgoolam en 2013. Il est resté au stade de projet.