La Cour suprême d’Israël destitue un ministre de Netanyahu

En destituant Aryeh Deri, leader du parti orthodoxe Shas, la Cour Supreme sait parfaitement qu’elle déstabilise la coalition de droite au pouvoir. En privant Netanyahu de son ministre, la Cour sait qu’elle le prive aussi de sa majorité parlementaire.

Un article de Caroline Bright

La Cour suprême d’Israël a annulé mercredi 18 janvier la nomination d’Aryeh Deri au poste de ministre de l’intérieur et de ministre de la santé dans le gouvernement de coalition de droite emmené par Benjamin Netanyahu. Dix juges de la Cour Suprême sur 11 se sont prononcés pour sa destitution au motif qu’Aryeh Deri, leader du parti Shas (orthodoxes), dispose d’un casier judiciaire et a été condamné à de la prison avec sursis pour fraude fiscale.

La décision intervient alors que M. Netanyahu s’apprête à déposer un projet de loi qui rogne les prérogatives de la Cour Suprême et sa capacité à s’opposer à des décisions politiques au nom de de son droit à juger que cette loi est « déraisonnable ». Cette bataille que la droite entend mener contre la « fraternité juridique » selon le mot de la journaliste israélienne Caroline Glick a déjà provoqué une forte mobilisation de la gauche, des manifestations de rue dans plusieurs villes d’Israël et des centaines d’éditoriaux au vitriol dénonçant « le meurtre de la démocratie » voulu par M Netanyahu.

Une bataille judiciaire mortelle

La réforme du système judiciaire est aujourd’hui au cœur d’une bataille mortelle entre la gauche et la droite en Israël. La gauche se drape dans les grands principes, la défense de la démocratie, la défense des minorités tandis que la droite accuse la Cour Suprême d’empiéter sur les droits du Parlement, de s’opposer à des lois sans base juridique pour le faire et de ne protéger les droits des minorités, que quand ces minorités sont des alliés politiques de la gauche. La droite accuse la Cour suprême de protéger les terroristes palestiniens, d’aider les Arabes israéliens qui ne respectent pas les lois israéliennes de planification et de zonage et d’empêcher l’expulsion des migrants africains entrés illégalement en Israel.

Les électeurs de la coalition de droite – les ouvriers qui souffrent de la cohabitation avec les Arabes dans les quartiers pauvres des grandes ville, les résidents des grandes implantations juives en Cisjordanie/Judée Samarie, les Israéliens ultra-orthodoxes et les Israéliens séfarades et mizrahis, ont le sentiment que la Cour manque de considération à leur égard.

La destitution d’Aryeh Dery est donc perçue à droite comme un acte de guerre. Et M. Netanyahu doit maintenant décider de la conduite à tenir. S’il accepte le départ de son ministre, il sait qu’il verra sa coalition amputée de onze députés et sa majorité réduite à néant. Les 11 sièges remportés par le Shas lors des élections de novembre constituent une partie cruciale de la majorité du gouvernement de 64 sièges sur les 120 que compte le Parlement.

Le gouvernement?Quel gouvernement?

Un autre ministre du Shas, Yaakov Margi, a déclaré à la radio publique israélienne quelques heures avant la décision de la Cour Suprême que « Netanyahu sait que si Deri n’est pas au gouvernement, il n’y a pas de gouvernement ».

Il semble peu probable que Benjamin Netanyahu s’incline, perde sa majorité et organise de nouvelles élections. Sa tentation sera donc d’accemter le départ du leader du Shas, d’accélérer le vote de la loi qui réforme la Cour Suprême (à condition que les députés du Shas votent avec la majorité) puis de renommer Aryeh Dery aux fonctions qui étaient les siennes jusqu’à mercredi.

Peu après l’énoncé du verdict, M. Netanyahu est allé rencontrer M. Deri chez lui, dans un quartier à prédominance ultra-orthodoxe de Jérusalem. Après la réunion, qui a duré environ 45 minutes, M. Netanyahu a déclaré : « Quand mon frère est en détresse, je viens le voir. »