Le dernier Premier ministre d’Omar Bongo (2006-2009) qui était passé avec fracas dans l’opposition en démissionnant de son poste a signé son grand retour dans le pouvoir gabonais en se ralliant à Ali Bongo. Mondafrique évoque les raisons d’un ralliement aussi surprenant que prévisible.
Par Jocksy Ondo Louemba
C’était le 9 juin dernier, la télévision d’Etat du Gabon diffuse les images d’une rencontre importante sur le plan politique qui a eu lieu le même jour sous les dorures du « Palais Rénovation » la présidence de la République du Gabon : Jean Eyeghe Ndong, ancien Premier ministre, opposant et membre de la Coalition pour la Nouvelle République (C.N.R- Opposition) menée par Jean Ping est reçu en audience – « à sa demande » – par Ali Bongo, chef de l’Exécutif du Gabon et par son fils Nourredine Bongo, Coordinateur général des affaires présidentielles mais surtout « héritier désigné du Royaume du Gabon».
À l’issue de l’entretien, Jean Eyeghe Ndong déclare que cette rencontre répond à une obligation de dialogue entre les Gabonais au-delà des divergences politiques « pour le bien du pays ».
La presse d’Etat jubile et affirme que pour Jean Eyeghe Ndong le « processus de retour à la maison PDG (Parti Démocratique Gabonais – au pouvoir depuis 1967) paraît bien engagé dans l’intérêt supérieur de la Nation ».
Privé de son traitement d’ancien Premier ministre
Au-delà de l’aspect politique, Jean Eyeghe Ndong est venu également voir Ali Bongo pour évoquer la situation de son traitement d’ancien Premier ministre. En effet, depuis sa démission de son poste de Premier ministre le 15 Juin 2009 et après avoir marqué sa vive opposition à l’arrivée au pouvoir d’Ali Bongo, Jean Eyeghe Ndong n’a jamais perçu son traitement tel que prévu par les textes. Traitement qui prévoit 30 millions de Francs CFA (45.000 euros) de ration alimentaire par mois, 5 millions de FCFA ( 7.592 euros) pour le carburant, un personnel de maison et des agents de sécurité, 2 voyages vers une destination de son choix avec son épouse. Une prise en charge médicale intégrale.
Jean Eyeghe Ndong avait pourtant été reçu par Ali Bongo en 2013 et lui avait soumis le problème sans que celui-ci soit réglé. Entretemps, il est vrai, l’ancien Premier ministre était devenu sénateur…
« Retour dans la maison du père »
Mais l’ancien soutien de Jean Ping à l’élection présidentielle de 2016 finit par se rendre à l’évidence et déclare lui-même : « Il est un fait constant, Ali Bongo exerce bel et bien le pouvoir d’Etat au Gabon » par conséquent, il est plus judicieux « de se déployer ailleurs que dans la Coalition pour la Nouvelle République et de me mettre à la disposition de la République et par conséquent de l’Etat ». Non sans affirmer que sa démarche s’inscrit dans l’intérêt des Gabonais et qu’il souhaite contribuer à la construction d’un « Gabon nouveau » avant de se vouloir rassurant : « En politique, le compromis peut être de mise, mais le compromis ne signifie pas que l’on renonce fondamentalement à ses opinions, à ses convictions, si demain, il m’arrive d’être en face d’un problème qui exige en conscience que j’accepte un compromis, je le ferai ». Le Jean Eyeghe Ndong qui déclarait en 2017 : «Jean Ping a été élu, et nous en avons la preuve ; les chiffres des procès-verbaux le donnent gagnant, mais il y a eu des manœuvres, et Ali Bongo a choisi de se maintenir au pouvoir» a vécu.
Nouveau vice président du Gabon
Sauf changement de dernière minute – et selon des sources concordantes -, Jean Eyeghe Ndong sera nommé Vice-président du Gabon par un Ali Bongo qui bien que physiquement diminué tient toujours fermement les rênes du pouvoir au Gabon et souhaite toujours que son fils Nourredine Bongo qui « a (…) une vision affirmée dudéveloppement du Gabon à long terme » (sic) lui succède.
Coquille vide, le Poste de Vice-président du Gabon sert plutôt à « récompenser » des opposants ayant su se montrer « responsables », c’est-à-dire de reconnaître Ali Bongo (le Vice Président lui jure d’ailleurs fidélité au cours d’une cérémonie de prestation de serment…) et de donner du crédit à son régime dont le moins qu’on puisse en dire est qu’il n’est pas une démocratie.
Véritable miroir aux alouettes, mais aussi corne d’abondance, le poste de Vice Président Gabon avait été promis par Ali Bongo à un certain Pierre Mamboundou qui ne l’avait finalement jamais obtenu, mais donné à un autre « opposant responsable » Pierre Claver Manganga Moussavou qui avait fini par en être sèchement évincé officiellement à cause d’une nébuleuse affaire de vente de bois précieux dont on a jamais su le fin mot.
Louis XI, Roi de France, disait : « En politique, il faut donner ce qu’on n’a pas, et promettre ce qu’on ne peut pas donner ».
Pourvu qu’Ali Bongo tienne sa promesse