Gabon, Ali Bongo met fin au « concert des casserolles »

En février dernier des milliers de Gabonais avaient par des « concerts de casseroles » contesté leur paupérisation accentuée par des mesures anti-covid. Ali Bongo et son régime avaient répondu par le fer, le feu et le sang. Retour sur la gestion brutale mais efficace par le chef de l’exécutif du Gabon Ali Bongo d’une forme de contestation populaire inédite au Gabon qui aujourd’hui a vécu.
 
Par Jocksy Ondo-Louemba


 Le mercredi 17 février 2021, des milliers de Gabonais excédés par la pauvreté accrue par les mesures de lutte contre le Covid-19 décident de manifester leur mécontentement par un concert de casseroles. Le fait est inédit au Gabon tant par son ampleur que par sa nature et s’est poursuivi pendant deux jours. L’issue de ces trois jours de grogne a révélé qu’Ali Bongo et son régime sont solidement installés au Gabon. Voici, résumée en six points, la méthode qu’il a employée. 


1- « Fixer le tarif »
Aguerri en matière de répression, le régime réagit et déploie son dispositif sécuritaire tout en évitant de commettre des violations « Trop voyantes » de droits de l’homme, mais aussi en veillant à « fixer le tarif », c’est-à-dire à montrer comme disait Omar Bongo « de quoi il est capable et surtout jusqu’où il peut aller ». À Libreville, Ntoum, Port Gentil, Lambaréné, Moanda Les « Forces de Défense et de Sécurité » arrêtent, tabassent et tuent. À Libreville, au PK6Eloko Gildas est abattu d’une balle dans le dos provenant d’un fusil d’assaut d’un commando venu spécialement pour tuer à Ntoum Djinki Emane est abattu d’une balle dans la tête par un un policier d’une unité spéciale.
Le pays est en émoi, mais le régime ne faiblit pas, il affirme la volonté du chef de l’exécutif « de ne pas laisser la chienlit s’installer au Gabon ».


2- « Intimider fortement »
Les jours suivants, il y a des arrestations, des intimidations, des intrusions dans les domiciles privées. A la télévision d’Etat on montre des « casseurs et des pilleurs » qui auraient « dévasté une épicerie » sans pourtant en emporter les denrées alimentaires ! Faits incompréhensibles pour des personnes paupérisées qui manifestent contre… La faim. Aléatoirement, mais efficacement des fonctionnaires sont mis en garde contre des mises à pied sans solde, d’autres sont prévenus que leurs enfants pourraient « finir en prison, sans jugement pour au moins dix ans ! ». Des agents des forces de sécurité frappent aussi aux domiciles des plus bruyants pour prévenir qu’ils reviendraient… Lentement, mais sûrement la chape de plomb qui pesait sur le Gabon et qui avait semblé fondre se reconstitue.


3- « Tenir l’armée en laisse »
Junte militaire en costume cravate reposant sur une armée très majoritairement acquise à sa cause et très militante, le régime d’Ali Bongo est très prudent vis-à-vis de son fidèle cerbère. Très vite, on interdit aux militaires non en service de violer le couvre-feu sous peine d’être purement et simplement radiés des effectifs de l’armée ! « Le Général d’armée Ali Bongo » (il arbore souvent un uniforme de général comme son père avant lui ! Ndlr.) qui est très content de ses soldats habituellement n’en est pas moins méfiant, car il faut avant tout veiller que des « militaires égarés » ne rejoignent pas les populations civiles contestataires.

4 – « Frapper ses propres partisans »
Ali Bongo n’a pas hésité à jeter en prison ses propres partisans et non des moindres ! Les leaders « des indéfectibles d’Ali Bongo » (sic) sont tous arrêtés et jetés en prison pour avoir ni plus ni moins « porté atteinte à sûreté intérieure de l’État » en affichant leur soutien au mouvement des casseroles et pour en avoir revendiqué la paternité ! Touché, mais toujours fidèle à Ali Bongo, l’un d’entre eux qui était « chargé de porter le message d’Ali Bongo dans les bidonvilles » a déclaré avant son incarcération avec des trémolos dans la voix : «Nous avons soutenu le chef de l’Etat, on remercie le chef de l’Etat, on a rendu service au chef de l’Etat et on nous envoie en prison. Il n’y a pas de problème. On remet tout entre les mains de Dieu ».
En se montrant ferme avec ses partisans les plus zélés, Ali Bongo montre clairement qu’il n’hésite pas pour conserver son pouvoir à frapper fort dans son propre camp, de quoi rassurer


5- « S’innocenter et refiler le bébé à la justice »
Concernant les deux victimes avérées, le régime sans déplorer outre mesure la mort de ces deux Gabonais abattus par ses balles affirme que rien ne laisse penser que ces assassinats sont le fait d’agents des forces de défense et de sécurité !  Pour le cas de Gildas Eloko, on parle d’un mystérieux véhicule tout terrain de marque Toyota de type Prado ayant à son bord des hommes armés et cagoulés qui aurait passé sans problème des contre-points des forces de défense, aurait abattu Eloko Gildas avant de repartir en repassant par les mêmes check points… Aucune déclaration pour Djinki Emane abattu à Ntoum. Pour ces deux victimes, le régime a rassuré qu’une « enquête était ouverte «  et que « la justice fera son travail ».

6- « Utiliser la fibre affective Bantoue »
Tenant à montrer qu’il a quand même du cœur, le régime gabonais a envoyé deux ministres pour consoler les familles des victimes. Pour le cas de Gildas Eloko, sa famille a reçu la visite de Biendi Maganga Moussavou (originaire du groupe ethnique Punu) beau-frère d’Ali Bongo et ministre de l’Agriculture qui a tenu à montrer sa compassion et découvert à la même occasion qu’il avait des liens de parenté avec la famille du défunt. Compatissant, Biendi Maganga Moussavou a assuré la famille du disparu de son soutien.

La famille de Djinki Emane a quant à elle reçu la visite du Ministre et ancien avocat de Francis Nkea Nzigue (originaire comme le défunt du même groupe ethnique fang) qui a tenu à marquer « sa compassion et sa solidarité » à la famille de l’étudiant en Géographie à l’université de Libreville qui a « perdu la vie ». Selon les propres canaux de communication de l’ancien avocat d’Ali Bongo : « Francis Nkea Ndzigue a voulu, en tant que parent et avocat de formation, rassurer la famille quant à l’esprit judicieux de s’en tenir à la suite judiciaire de cette affaire ».

En attendant le soubresaut suivant…