L’entreprise française de BTP Baudin Châteauneuf a dû attendre 17 ans avant de pouvoir valider le licenciement de son directeur de chantier au Cameroun, pourtant coupable de détournements de fonds et de matériel au profit d’autres chantiers.
Baudin Châteauneuf, spécialisée dans les structures métalliques, a fêté ses cent ans de « passion et d’excellence technique ». Elle emploie un peu plus de 1 500 salariés et réalise un chiffre d’affaires de 400 millions d’euros. Mais cette entreprise tricolore de BTP vient de passer quelques années difficiles, confrontée à un ancien cadre en charge d’un chantier au Cameroun, dont le licenciement en 2006 a été jugé légitime…en 2013.
L’affaire commence pourtant bien en 2002, Baudin Châteauneuf obtient un contrat de 5,6 millions pour la construction d’un pont et des routes d’accès au Cameroun, financé par l’Agence Française de Développement (AFD).
Gotham City, la revue en ligne spécialisée dans la criminalité économique, qui raconte cette histoire rocambolesque, assure que sur ce chantier la société de Châteauneuf sur Loire aurait dû réaliser 600 000 euros de profits. Mais en 2004, elle enregistre une perte d’un million d’euros. Un enquêteur privé, envoyé sur place par Baudin Châteauneuf, révèle une « carambouille financière de haut niveau » de la part du directeur responsable du chantier. En fait, le matériel de Baudin Châteauneuf aurait été utilisé sur trois autres chantiers, dont l’un se trouvait même au … Tchad. En 2006, le directeur en fonction au Cameroun est licencié pour faute grave.
Un an de prison avec sursis
Seulement voilà, en 2008 le conseil de prud’hommes de Créteil donne raison à l’ancien cadre : le licenciement serait injustifié. Son ancien employeur doit même lui verser 200 000 euros… En 2014, le Tribunal de grande instance d’Orléans prononce un non-lieu concernant la corruption active et l’usage de faux au Cameroun. En revanche, l’ancien directeur est renvoyé devant le tribunal correctionnel pour usage de faux au Tchad et en France. Il est finalement condamné en 2018 à un an de prison avec sursis et 540 000 euros de dommages à son ancien employeur.
Mais patatras, la Cour de cassation annule les dommages en 2019. Motif : Baudin Châteauneuf aurait été « pour le moins défaillante dans les process mis en œuvre pour les chantiers réalisés sur le sol africain ». Finalement, il a fallu attendre le 30 novembre 2023 pour que la Cour d’appel de Paris confirme le licenciement pour faute grave de l’ancien directeur et annule le versement de 200 000 euros que devait lui verser son ancien employeur.
Moralité : comment les invraisemblables lenteurs des justices françaises ne pourraient-elles pas encourager certains à marcher en dehors des lignes jaunes ?