Le retour de l’ex chef de Wagner à Bangui

Absent de RCA depuis plus de deux ans, Valery Zakharov, l’ancien conseiller de Faustin-Archange Touadéra, a opéré dans le plus grand secret son retour ces dernières semaines. L’ancien membre des services de renseignements russes est notamment sous sanctions américaines

Malgré l’affaiblissement du Wagner, plus d’un millier de mercenaires restent toujours dans le pays. Ils continuent par exemple de contrôler la plus grande mine d’or de République centrafricaine et accompagnent également le président du pays dans ses déplacements. En outre, les hauts responsables de Wagner dînent dans les mêmes restaurants fréquentés par les diplomates occidentaux et les responsables de l’ONU et assistent à des soirées privées organisées par des organisations humanitaires. Le NYT note que certains habitants de la RCA entretiennent des liens si étroits avec les SMP qu’ils peuvent difficilement imaginer la vie sans mercenaires et craignent le retour des rebelles.

« L’Occident veut que nous nous débarrassions de Wagner, mais sans eux, nous aurons des problèmes dans les 48 heures. Que cela nous plaise ou non, ce sont eux qui assurent la sécurité », déclare Robert Ngoki, président de la Chambre de commerce centrafricaine. Le retour en force du patron de Wagner en Centrafrique semble lui donner raison

La Centrafrique, colonie russe

La Russie s’est glissée aussi vite en RCA que la France s’est retirée à partir de 2013. Les « instructeurs militaires » russes sont arrivés pour la première fois en Centrafrique (ou encore RCA) RCA en 2017, alors que l’armée locale, mal entraînée, tentait de contrer les groupes rebelles. Comme a pu le souligner le New York Times, il s’agissait pour les autorités russes d’une opportunité de restaurer l’influence sur le continent que la Fédération de Russie avait perdue après l’effondrement de l’URSS. Les autorités centrafricaines, à leur tour, ont reçu le soutien d’un grand État et n’ont pas pu se conformer aux conditions des pays occidentaux, notamment celles liées aux droits de l’homme
A grand coup de contrats de coopération avec des entreprises écran de Wagner, la nébuleuse étend peu à peu sa mainmise sur le petit pays. Au nom de la sécurité, de plus en plus d’hommes et de matériel sont envoyés, comme l’ont expliqué dans leur excellent livre les deux auteurs de « Wagner, enquète au coeur du système de Prigojine ». “La Centrafrique devient une colonie Russe”, écrivent les auteurs. “Un nouvel accord de coopération est signé le 26 octobre 2021, entre le gouvernement et la nouvelle société-écran de Wagner, accord par lequel la capacité fiscale et douanière de la RCA est détournée. Le système est toujours le même : des dirigeants centrafricains servent de prête-noms, en réalité des Russes sont aux commandes et indirectement cette nouvelle société est peu à peu intégrée à la galaxie Prigojine ».
Et les deux journalistes d’ajouter: « Les hommes de Wagner sont bien implantés à Bangui [la capitale] et la mainmise financière se fait désormais au grand jour, ce qui commence à susciter quelques inquiétudes.” […] “Un proche du ministère des Finances avec qui nous sommes en contact s’inquiète d’ailleurs du peu de maîtrise [du gouvernement] sur la compagnie. […] Par an, l’État centrafricain alloue en moyenne 20% de son budget annuel à [Wagner]. Tout l’argent du développement de la République centrafricaine […] est transféré à Wagner. Pour quel résultat ? D’une certaine manière, les Centrafricains sont prisonniers d’une nouvelle forme de colonisation.”
Pas toutes les opérations sont couronnées de succès. L’implantation en Mozambique, notamment, est un échec, principalement sécuritaire: la compagnie n’arrive pas à endiguer la menace islamiste dans le pays, à cause de la méconnaissance du terrain et la culture. Or, sans ces fondements sécuritaires, impossible d’obtenir contrats et ressources. Au Mali, après le coup d’État de 2021 et la fin de l’opération Barkhane, “la nébuleuse peine à convaincre et à s’imposer […] aussi facilement qu’en Centrafrique. Les ressources naturelles se révèlent plus difficiles à obtenir. La junte est incapable de payer une redevance mensuelle, ce qui pousse les mercenaires payés au mois à se mettre en grève et à piller les villages. Ils refusent de participer aux opérations planifiées et mettent la junte sous pression.” De plus, la coopération entre les paramilitaires et l’armée malienne se passe mal. Au Tchad, malgré des opérations de propagande et des tentatives de déstabilisation, Wagner n’arrive pas à faire sauter le verrou Déby, solide allié de la France.
Mais l’aventure ne s’arrête jamais: avec le coup d’État au Niger en juillet 2023, Wagner tente à nouveau de s’immiscer dans les affaires sahéliennes. La machine propagandiste et sécuritaire s’enclenche. Il est encore trop tôt pour dire si ce nouveau théâtre d’opérations est un succès ou un échec pour la galaxie Wagner. Le temps le dira. Dans tous les cas, pour l’instant, il n’y a aucun signe de ralentissement.

1 COMMENTAIRE

  1. Le Tchad ne veut pas de Wagner et Wagner n’a pas besoin du Tchad. Les incursions au Sud ne visaient qu’à repousser fermement les rebelles tchadiens habitués aux razzias côté centrafricains. Quant à FAT, il a trouvé la formule idoine qui va faire florès en Afrique… faire assurer sa sécurité par des forces extérieures au pays, les rwandais et Wagner. Sa réélection est assurée.

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