Très critique à l’encontre du régime Bouteflika mais sans jamais se positionner hors système, le coordinateur national du Mouvement démocratique et social, Fehti Gurras, a été condamné à deux ans de prison ferme par la justice algérienne.
Arrêté à son domicile le 30 juin 2020 par des éléments des services de sécurité en civils, Fehti Gurrasvient d’être condamné, par le tribunal de Bainem, à deux ans de réclusion, annonce le Comité national pour la libération des détenus rappelant que le procureur avait requis une peine de trois ans de prison ferme.
Cet homme politique respecté occupe une position singulière parce q’il n’était pas un opposant au système politique dominant, loin de là, avant de s’afficher ostensiblement pour le Hirak. Ce parcours le distingue au sein du parti communiste, le PAGS devenu « Ettahadi », puis le MDS, dont les secrétaires généraux ont apporté leur soutien constant au régime. Cette singularité de position reflète un changement de posture du parti. Elle est également perçue par les observateurs de la scène algérienne comme un coup dur pour le régime perd un relais loyal durant la décennie de plomb (1992-1998).
Ce politique aguerru est accablé d’accusations par une justice qui n’aspire qu’à mettre au pas toute voix dissidente. Fethi Gurras est poursuivi pour « atteinte à la personne du président de la République », « outrage à corps constitué », « diffusion de publications pouvant porter atteinte à l’intérêt national », « diffusion d’informations pouvant porter atteinte à l’unité nationale » et enfin « diffusion d’informations pouvant porter atteinte à l’ordre public ».
Sans doute, le système politique algérien en place veut faire passer un message clair aux autres formations politiques défendant les positions du Hirak.
Des soutiens massifs
Dés l’annonce du verdict, les réactions des partis d’opposition se sont multipliées tandis que les partis pro pouvoir se sont confinés dans un silence qui reflète leur alignement à la sentence. La condamnation d’un leader d’un parti politique agréé et reconnu au sein de l’échiquier politique est dénoncée par les formations politique d’opposition.
Le FFS (front des forces socialistes) a condamné la peine de prison qu’il considère comme « une régression terrible du climat des libertés individuelles et collectives dans notre pays depuis quelque temps ». Le plus vieux parti d’opposition fondé par feu Hocine Ait Ahmed dénonce le recours » méthodique du pouvoir à la criminalisation de l’action politique dans le cadre d’une stratégie autoritaire ». Le pouvoir a usé des pratiques « de harcèlement et les provocations sécuritaires et judiciaires à l’encontre des organisations politiques, associatives et syndicales », ainsi que « les défenseurs des droits de l’homme et les journalistes ».
Quant au RCD (Rassemblement pour la culture et la démocratie), son président Mohcen Bellabes parle de « scandale politico-judiciaire » et insiste sur le fait que la condamnation d’un responsable politique ne fera que « renforcer la défiance du peuple algérien envers la justice de notre pays ». Pour lui, « cette décision illustre l’instrumentalisation politique de la justice dont même les magistrats sont les victimes », considérant que cette justice est « déjà largement malmenée par le placement de dizaines de citoyens innocents dans les geôles du pouvoir sans jugement à ce jour ».
L’instrumentalisation de la justice
L’avocate Zoubida ASSOUL, présidente de l’UCP (Union pour le changement et le progrès) accuse le pouvoir politique de chercher à « casser l’opposition ». Sachant que son parti fait l’objet d’une procédure de dissolution par le ministère de l’intérieur, la présidente de l’UCP déclare sur les réseaux sociaux que « la condamnation de Fethi Ghares à deux ans de prison ferme est une preuve de l’instrumentalisation de la justice par le pouvoir politique pour casser l’opposition, mais aussi un signe de la fragilité du système en place » qui peine à se stabiliser.
Le pouvoir redouble d’effort de réduire à néant toute idée du retour du hirak. De l’autre côté, les réseaux sociaux s’enflamment en dénonçant une condamnation de trop contre un responsable d’un parti politique agréé dont les activités s’effectuent dans un cadre légal reconnu par la constitution.