L’élection controversée d’Ali Bongo après les violations flagrantes des droits de l’homme et une fraude grossière dans la province du Haut-Ogooué décriées par toutes les missions d’observation africaine, européenne, américaine et de la francophonie, n’a pas encore fini de susciter son lot de contestation. En effet, un collectif de Gabonais, tant de la société civile, d’associations de la diaspora de France, d’Allemagne, de Belgique, ainsi que des individualités ont commis un avocat au barreau de Paris, Maître William Woll en vue d’interpeller le Président de la République française, Emmanuel Macron. Ce, à la suite des deux résolutions du Parlement européen qui ont pointé la responsabilité de la France qui refuse de jouer un rôle constructif pour la restauration de la vérité des urnes du 27 août 2016 et pour une justice internationale après les présumés crimes contre l’humanité commis par le régime répressif gabonais.
« Nous ne demandons pas à la France de donner des leçons de démocratie ou de respect des droits de l’homme au régime d’Ali Bongo mais seulement d’avoir avec prudence, en toute connaissance de cause » a rappelé Maître William Woll. C’est un des éléments des requêtes de Maître Woll, avocat au barreau de Paris, que contient le courrier qu’il a adressé au président de la République française, Emmanuel Macron, le 25 octobre dernier.
Interrogé par Info241, Dériré Ename, envoyé spécial d’Echos du Nord à Paris qui a eu la primeur de s’entretenir avec le collectif des associations et les tenanciers de cette action judiciaire, nous a expliqué que : « L’avocat a été saisi par un collectif de Gabonais, tant de la société civile, des représentants d’associations, ainsi que des individualités. Ces derniers ont constitué Me Woll aux fins de rappeler au président français Emmanuel Macron une situation que, de toute évidence, il connaît, puisque s’étant prononcée dessus lors de la campagne présidentielle ».
Dans un courrier officiel envoyé à la rédaction d’Info241, Maître William Woll précise ce qui suit : « Je représente les intérêts de militants politiques gabonais et de citoyens gabonais ordinaires qui considèrent qu’Ali Bongo a confisqué le résultat des élections présidentielles du 27 août 2016. Mes clients m’ont chargé d’agir sur les plans international et national afin de contraindre, par tous moyens légaux, M. Ali Bongo, président autoproclamé du Gabon, à reconnaître le résultat légitime de cette élection qui, en réalité, a été remportée par monsieur Jean Ping ».
A cette fin, va-t-il indiquer,« j’ai adressé différents courriers à des personnalités politiques françaises susceptibles de m’aider dans cette tâche : – le Président de la République, M. Macron ; – le président de l’Assemblée nationale, M. de Rugy et son homologue du Sénat, M. Larcher ; – les présidents de groupe des deux assemblées ; – certains élus sensibles aux questions internationales comme Marielle de Sarnez, Jean-Christophe Lagarde ou encore Christian Cambon. Vous trouverez ci-joints quelques échantillons de ces courriers ainsi que l’accusé de réception de l’Élysée ».
« Il me semble que l’élection de M. Ali Bongo est pleine d’incertitudes et d’inconnus qui justifient un jugement circonstancié », avait affirmé l’alors candidat du mouvement politique ’’En Marche’’ au fauteuil présidentiel en France. Dans sa correspondance, Me Woll, au nom de ce collectif de Gabonais, demande au président français ni plus ni moins que de s’abstenir, pour l’heure, de toutes relations avec le gouvernement de Bongo Ondimba Ali. « On ne saurait, en effet, exiger du président légalement élu de confirmer systématiquement les décisions prises par Monsieur Ali Bongo alors que le caractère douteux de la légalité de son élection était connu » a relevé l’avocat français.
Histoire de raviver la mémoire du président français sur ses déclarations de l’époque. Ce, d’autant plus que celles-ci ont été faites au courant du mois d’avril, c’est-à-dire six mois après la validation par la Cour constitutionnelle, dont l’avocat souligne le caractère très partial. En décryptant son propos, l’avocat dit pourquoi, au-delà de la simple précaution, il est utile que le président français interrompe toute relation avec BOA. « L’action devant la Commission africaine des Droits de l’Homme et des Peuples a de grandes chances d’aboutir » a martelé Maître Woll.
Ajoutant que « sa décision remettra en cause le résultat des élections présidentielles gabonaises de 2016 et aura, entre autres conséquences, celle de remettre en cause rétroactivement nombre des décisions prises par Monsieur Ali Bongo en tant que chef autoproclamé de l’Etat gabonais, qu’il s’agisse de décisions à la portée nationale comme internationale (accords internationaux, prêts bancaires, etc.) » Dans le cas contraire, tout soutien de la France au régime d’Ali Bongo sera jugé « rétrospectivement comme prématuré et inopportun ». Emmanuel Macron a-t-il besoin de paver son parcours élyséen d’écueils dictatoriaux, des violations des droits de l’homme commis au Gabon au nom des intérêts économiques français ? Un homme politique avisé anticipe sur ce qui pourrait constituer un boulet dans l’intérêt de son intégrité politique. Rappelons-le, Emmanuel Valls a coulé pour avoir négligé ce facteur.
Que sollicite Maître Woll en attendant ce « résultat judiciaire à venir » et la « clarification de la situation politique au Gabon » ? Que la France « ne reconnaisse pas les prétendus résultats des élections présidentielles gabonaises (…) ; n’accrédite pas les ambassadeurs et consuls gabonais proposés par Monsieur Ali Bongo ; œuvre au rétablissement de la légalité internationale qui passe par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques auquel la France est partie ; s’abstienne d’inviter en France Monsieur Ali Bongo en tant que Chef de l’Etat gabonais et tout membre de son gouvernement » ; mais aussi que le président Emmanuel Macron « ne mette en place aucune rencontre privée ou publique » entre lui et le dictateur Ali Bongo ; voire au cours du prochain « sommet de la COP23 et au prochain sommet de l’Union africaine-Union européenne ».
En clair, la situation actuelle motivée par la saisine de la Cour africaine des Droits de l’Homme contraint de fait Emmanuel Macron à mettre un bémol, si ce n’est un frein, à toutes les initiatives bilatérales entre la France et le Gabon. Il ne s’agit pas ici de l’injonction d’un avocat, mais d’un principe de précaution indispensable. Les lois et traités dont la France est signataire lui impose cette réserve. Et comme le laisse entendre l’avocat, cette précaution est d’autant plus d’actualité que Jean Ping et ses soutiens ont porté l’affaire devant la Commission africaine des Droits qui est le pendant de la Cour européenne des Droits de l’Homme.
Par ailleurs, Me Woll pousse Macron dans ses retranchements en lui brandissant l’article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui dispose : « Chaque citoyen a le droit et la possibilité (…) de voter et d’être élu, au cours d’élections périodiques, honnêtes, au suffrage universel et égal et au scrutin secret, assurant de l’expression libre de la volonté des électeurs ».
Un traité que la France a ratifié le 04 novembre 1980. Le même traité qui lie tous les Etats signataires prévoit la possibilité d’un recours examiné par une instance qui « doit statuer en toute indépendance et impartialité », note l’avocat. Or, il fera observer que c’est cette impartialité qui a fait défaut et a biaisé le rendu. « La seule présence de la « belle-mère du candidat Bongo au sein de la Cour constitutionnelle, qui plus est en tant que présidente hors mandat, jette un discrédit sur l’ensemble de la Cour ».
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