Les Égyptiens critiquent violemment Netflix d’avoir noirci la peau de Cléopâtre. La plateforme de streaming a-t-elle maltraité une reine de leur patrimoine historique en l’entrainant dans un débat moderne et résolument occidental sur la représentation des Noirs au cinéma.
Netflix était loin de s’imaginer que le choix d’Adèle James, une actrice noire, pour incarner Cléopâtre allait déclencher une telle polémique avec l’Egypte. Sans parler de l’émeute sur les réseaux sociaux arabes. Déjà, la bande-annonce de la fiction diffusée le mois dernier, avait suscité un tel flot de commentaires hostiles et parfois meme franchement racistes, que Netflix avait dû les désactiver.
Mais le pire est venu des institutionnels : ainsi, le Conseil suprême des antiquités égyptiennes, l’agence chargée du patrimoine, a évoqué une « falsification de l’histoire égyptienne ». Un animateur de télévision populaire a accusé Netflix de chercher à « prendre le contrôle de notre culture égyptienne ». Un avocat égyptien a déposé une plainte demandant que le service de streaming soit fermé dans le pays.
Le 30 avril, le gouvernement égyptien lui-même s’est jeté dans la bataille en affirmant sur Twitter que « les statues de la reine Cléopâtre confirment qu’elle avait des traits hellénistiques (grecs), marqués par une peau claire, un nez tendu et des lèvres fines ».
Un film sans histoires
A l’origine, il s’agissait d’un film biographique sans histoires. Les quatre épisodes consacrés à Cléopâtre devaient célébrer l’une des femmes les plus célèbres de l’histoire de l’humanité et une célèbre dirigeante africaine. Mais l’immense majorité des Egyptiens estime qu’en faisant de Cléopâtre une reine noire, les Américains ont falsifié l’histoire égyptienne.
Cléopâtre descendait d’une lignée de rois grecs macédoniens qui ont gouverné l’Égypte de 323 av. J.-C. à 30 av. J.-C., date à laquelle l’Egypte a été annexée par Rome. La plupart des historiens s’accordent à dire qu’elle n’avait rien d’une reine africaine. Les Ptolémées – comme tous les rois de la dynastie avaient tendance à épouser leurs propres sœurs ou d’autres parents, ce qui laissait peu d’ouvertures pour un apport de sang neuf. Certains historiens affirment cependant que Cléopâtre avait un ancêtre perse. Mais les Perses ne sont pas des Africains.
La réalisatrice de la série, Tina Gharavi, a défendu le casting en retournant l’accusation : « Pourquoi certaines personnes ont-elles besoin que Cléopâtre soit blanche ? », a-t-elle demandé ? Une manière un peu perverse d’accuser ses détracteurs de suprémacisme blanc. « Le problème n’est peut-être pas que j’ai réalisé une série qui dépeint Cléopâtre comme noire, mais que j’ai demandé aux Égyptiens de s’accepter comme des Africains, et ils sont furieux contre moi pour cela. »
L’Égypte méditerranéenne
L’Egypte est située en Afrique/ Mais ce pays est-i pour autant un pays « africain », au sens d’un pays où la population doit être noire ?
Même si l’Egypte est membre de l’Union africaine et d’autres groupes continentaux, elle n’a jamais été considérée comme un acteur africain. Même à l’époque grecque et romaine, l’Égypte était considérée comme un acteur du monde méditerranéen, la porte d’entrée de l’Afrique, plutôt que pleinement africaine.
Depuis que les Arabes ont conquis l’Égypte au VIIe siècle, apportant la langue arabe et l’islam avec eux, les Égyptiens ont partagé plus de liens culturels, religieux et linguistiques avec le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à prédominance arabe et musulmane qu’avec le reste de l’Afrique.
Une Cléopâtre noire sur Netflix
Une Cléopâtre noire réactualise les tensions ethniques et raciales entre Arabes et Africains noirs. N’oublions pas que les Arabes ont pratiqué la traite négrière sur une durée plus longue que les Occidentaux. Par ailleurs, la société égyptienne valorise souvent la peau claire et méprise les Égyptiens à la peau plus foncée.
Néanmoins, le problème d’une Cléopâtre noire semble être d’abord une préoccupation occidentale. Cléopâtre est devenue noire sur Netflix tout comme Arsène Lupin est devenu noir quand il a été incarné par Omar Sy. Encore sur Netflix, la reine Charlotte de Mecklembourg-Strelitz dans le film « La reine Charlotte » est interprétée par l’actrice métisse d’origine guyanaise, Golda Rosheuvel.
Netflix est très sensible au discours woke qui accuse les Blancs de suprémacisme automatique. A plusieurs reprises, la plateforme s’est fait une spécialité d’utiliser des acteurs noirs pour représenter des personnages historiques blancs.
C’est ainsi qu’une ancienne reine égyptienne, Cléopâtre, revue et corrigée par Hollywood provoque une insurrection en Egypte parce que des artistes woke l’ont prise en otage. En cherchant à régler des comptes avec un supposé « racisme » systémique en Occident, Netflix se retrouve lui-même pris en otage en Egypte, en internationalisant un débat purement occidental sur la race et la victimisation.
« La race est une construction moderne de la politique identitaire qui a été imposée à notre passé », a déclaré Monica Hanna, égyptologue égyptienne au New York Times. « Cette utilisation et cet abus du passé pour des agendas modernes ne feront que blesser tout le monde, car cela donnera une image déformée du passé. »
Un conglomérat de médias appartenant au gouvernement égyptien a annoncé qu’il produirait son propre documentaire sur Cléopâtre. Son film, a-t-il noté, serait basé sur les « plus hauts nive
« Le problème n’est peut-être pas que j’ai réalisé une série qui dépeint Cléopâtre comme noire, mais que j’ai demandé aux Égyptiens de s’accepter comme des Africains, et ils sont furieux contre moi pour cela. »
Bravo. Vous avez touché le point sensible des Nord-Africains qui se disent « arabes ». J’ai toujours pensé qu’il faut les exclure de toutes les organisations africaines, Unité Africaine, Fédération Africaine de Football, etc. afin de les remettre à leur place : africains ou arabes. Ils doivent trancher là-dessus. L’exemple de l’Algérie et de la Mauritanie est le plus éloquent.