Liban, l’indifférence des milices armées palestiniennes

Au début de l’invention du concept de “front de soutien”, pas une semaine ne passait sans qu’une quelconque milice palestinienne revendique des tirs de roquettes depuis le Liban contre Israël, en soutien à Gaza. Depuis quelques semaines, c’est fini.

Marc Saikali, directeur d’Ici Beyrouth

Hamas, Jihad islamique, brigades d’Al-Aqsa…toute la galaxie armée palestinienne a cessé ses activités depuis le Liban-Sud. Pour vivre heureux, vivons cachés, dit-on. Dans ce cas, toutes ces organisations se font bien discrètes.

Dans la réalité, un paradoxe est saisissant. Les Libanais sont devenus réfugiés dans leur propre pays, payant le prix de la stratégie iranienne, tandis que les camps de réfugiés, eux, sont épargnés. Curieux. Pourtant, ces camps, des zones de non-droit, croulent sous les armes, les tireurs de roquettes y sont tranquillement terrés, le temps que l’orage passe. Un orage de fer et de feu qui consume le Liban sous les yeux de ses “frères soutenus” de la première heure. Et le principe de solidarité si souvent vanté? Et l’unicité des fronts? Aux oubliettes, voyons. Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent. Les groupes armés palestiniens, pléthoriques, attendent certainement une autre occasion de libérer quelque chose et passent leur tour. Tant pis pour les slogans creux qu’ils ont fait avaler à leurs auditoires. L’heure est au réalisme. Pas question de foncer tête baissée dans la fournaise. Quelque part, c’est logique. D’autres devraient pouvoir s’en inspirer. Ce n’est pas le cas.

Pire, le Hamas, non seulement ne se sent pas concerné par la guerre faite au Liban en son nom, mais il fait cavalier seul. Les délégations se succèdent au Qatar pour négocier un cessez-le-feu séparé à Gaza et un accord sur les otages. Le Liban? Euh! Connaît pas. Les discussions seraient même bien avancées.

L’idée est de donner une petite récompense à l’administration Biden qui s’est donné tant de mal depuis le 7 octobre. Comme ça, au moins, si Kamala Harris gagne les élections américaines, Israéliens et Hamas pourront lui laisser le crédit d’un deal, même boiteux et provisoire, sur Gaza. Toujours garder deux fers au feu.

Le second fer, c’est malheureusement le Liban. La situation est tout autre. Sans vaciller dans leurs certitudes, du moins affichées, les responsables de la “résistance”, ont réussi au moins un exploit. Celui de convaincre leur public, il est vrai déjà acquis, que les Israéliens sont empêtrés dans le Sud et qu’ils n’arrivent pas à envahir le pays. En coulisses, le Hezbollah semble pourtant avoir accepté ce qu’il balayait d’un revers de main, à savoir l’application stricte de la 1701 et la fin de la fameuse unicité des fronts. L’Iran fait le dos rond et, malgré les discours enflammés, à usage interne, espère éviter une nouvelle attaque israélienne.

Benjamin Netanyahou, lui, continue de frapper le Hezbollah, ses bases, ses armes, son argent, ses dirigeants et n’a aucune intention d’arrêter. Il envisagerait même d’élargir son opération terrestre. Jusqu’au fleuve Awali? Peut-être. Dans ce cas, que feraient les innombrables milices armées palestiniennes basées dans les camps? Partir tirer des roquettes à Gaza serait pertinent. Mais bon… on n’y croit pas trop.

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)