Les Palestiniens divisés sur le retour aux affaires de Donald Trump

« Maintenant qu’il a gagné, j’espère que la guerre s’arrêtera »: l’élection de Donald Trump résonne différemment dans les territoires palestiniens. Si les Gazaouis appellent le futur locataire de la Maison Blanche à l’aide, leurs concitoyens de Cisjordanie occupée craignent le pire.

Les Palestiniens de la bande de Gaza, ravagée par plus d’un an de guerre, ont répondu mercredi à l’annonce de la victoire du candidat républicain par des appels à la cessation des bombardements et des combats.

Beaucoup rappellent les déclarations ces derniers mois du candidat Trump qui a répété souhaiter la fin de la guerre à Gaza. Il a notamment expliqué qu’un accord devait être trouvé entre les belligérants, notamment pour permettre un apaisement régional et ne pas nuire à la réputation d’Israël.

“Maintenant qu’il a gagné, j’espère que la guerre dans la région s’arrêtera”, déclare à l’AFP Ibrahim Ayan, 33 ans, déplacé comme la majorité des habitants de la bande de Gaza en raison de la guerre.

“M. Trump est un homme d’affaires qui privilégie l’économie, pas la guerre”, croit-il savoir, affirmant qu’une fois au pouvoir, le républicain parviendrait à trouver un accord de cessez-le-feu.

“Quelqu’un de fort”

“Nous avons besoin de quelqu’un de fort comme lui pour mettre fin à la guerre, pour nous sauver”, abonde Mamdouh al-Jadba, tout en affirmant qu’au bout du compte, “peu importe qui gagne, ce qu’il nous faut, c’est quelqu’un qui trouve une solution”.

À 60 ans, il a perdu sa maison et vit dans un abri de fortune de la ville de Gaza où “il n’y a ni soins, ni hôpitaux, ni médecins, ni nourriture”, loin de ses enfants, réfugiés dans le sud du territoire.

Alors que l’aide internationale entre au compte-gouttes à Gaza où plus de 43.391 personnes ont été tuées dans la campagne militaire israélienne de représailles à l’attaque sans précédent du Hamas sur Israël, le 7 octobre 2023, les Gazaouis sont happés par un quotidien de souffrance.

“Ce que nous espérons, c’est que la guerre prenne fin”, pose Oum Ahmed Harb, qui souhaite que quelqu’un vienne “aider” les Palestiniens. Mais elle est surtout préoccupée par la flambée des prix et la vulnérabilité des enfants qui sont déscolarisés depuis des mois, en plus de pâtir d’une situation humanitaire dramatique.

D’autres hommes interrogés par un correspondant de l’AFP dans la ville de Gaza sont plus résignés : “rien ne changera”, disent-ils à l’unisson.

“Enfer”

À Ramallah, les Palestiniens sont tout aussi graves. Personne n’a oublié le précédent mandat de Donald Trump quand il a multiplié les gestes en faveur d’Israël, déplaçant l’ambassade américaine à Jérusalem, reconnaissant la souveraineté israélienne sur le plateau du Golan occupé et contribuant à la normalisation des liens entre Israël et plusieurs pays arabo-musulmans.

Alors que la colonisation israélienne continue en Cisjordanie occupée, les déclarations de l’administration Trump assurant qu’elle ne considérait pas ces logements et infrastructures comme illégales, au contraire du droit international, ont marqué de nombreux habitants pour qui la question est parfois une préoccupation quotidienne.

“Je pense que le retour de M. Trump au pouvoir aux États-Unis nous conduira en enfer”, affirme Mohammed Fakhida, directeur d’école à Ramallah, qui prédit une “escalade” des tensions et des violences des colons “plus importante et plus douloureuse, car il est bien connu pour son soutien complet et intense à Israël”.

Selon lui, le retour du républicain à la présidence est le fruit d’une “sanction” du camp démocrate.

“J’espère que les démocrates savent qu’ils ont perdu à cause du génocide qu’ils ont financé”, abonde Leila, une Palestino-Américaine vivant à Ramallah. Selon elle, l’élection de M. Trump est significative au niveau international, mais la guerre à Gaza et la position américaine à son sujet ont montré que “le système politique américain est avant tout dicté par l’industrie de l’armement, les entreprises et les puissants groupes d’intérêt américains”.

Alors que la ville, où siège l’Autorité palestinienne, voit certaines rues couvertes d’affiches appelant à la solidarité avec Gaza ou à la mémoire de Palestiniens tués par l’armée israélienne, l’ambiance correspond au pessimisme des Palestiniens.

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)