Les élections législatives qui ont eu lieu le 15 mai au Liban marquent un recul de la coalition au pouvoir qui regroupe les deux grands partis chiites et les chrétiens favorables au président Aoun au profit des « indépendants », issus des mobilisations populaires de 2019-2021 et des « souverainistes » hostiles à l’influence iranienne au Liban
La bonne surprise, la voici:les élections qui viennent d’avoir lieu témoignent d’un réel enracinement démocratique du Liban. Les esprits chagrins pourront toujours déplorer l’importance de l’abstention, les interférences étrangères, l’achat répandu des consciences lors du vote et la capacité de résistance des grands partis communautaires qui conservent malgré tout le mérite de structurer et de mobiliser l’électorat. À y regarder de plus près, le scrutin qui vient d’avoir lieu au pays du Cèdre est porteur d’un vrai espoir. Les Libanais ont exprimé le désir d’un réel changement politique.
« En dépit d’un désengagement sunnite important et d’une forte démobilisation populaire (le taux de participation aux législatives libanaises du 15 mai 2022 est de 41,04%), heureusement compensée par le vote d’une diaspora dynamique, note l’éditorialiste du site « Ici Beyrouth », , les résultats des législatives de 2022 ont incontestablement reflété le changement intervenu dans l’esprit des Libanais, particulièrement au niveau de leurs rapports avec les différentes composantes de la classe politique. »
Les indépendants, une troisième force
Ces élections voient l’arrivée au parlement de dix àquinze indépendants (sur 128 sièges), qui auront à jouer un rôle décisif, en dehors des sentiers battus du communautarisme religieux. Cette mouvance progressiste, si elle avait su rester unie, aurait certainement agrégé trois à quatre fois plus de représentants. Ces élus se revendiquent tous de ce formidable réveil de la société civile qu’a été la « Révolution » de 2019-2021 qui a exigé la retraite anticipée pour l’ensemble de la classe politique: « Kellon yaani kellon » (« Tous, ça veut dire tous »). Or ce sont les héritiers de ce moment historique qui vont jouer le rôle d’un groupe charnière dans le nouveau parlement. Leurs alliances seront décisives, notamment lors de l’élection du nouveau Président libanais qui doit intervenir au mois d’octobre .
Autrement dit, les mobilisations populaires ont trouvé une traduction politique au Liban, contrairement à l’absence d’issue pour les révoltes massives qui se sont heurtées au mur d’une répression brutale en Algérie, en Birmanie ou à Hong Kong.
Un début d’alternance
Deuxième enseignement de ce scrutin, le bloc chiite et ses alliés chrétiens rassemblés autour du Président Aoun, perdent la majorité au profit des « souverainistes », cette alliance entre chrétiens et sunnites qui rejette l’influence grandissante des Mollahs iraniens, via le « Hezbollah », ce parti devenu un véritable État dans l’État par la peur qu’il inspire et les milices qu’il arme. Si ce retournement n’est pas exactement une alternance démocratique, cela y ressemble. La perte d’une dizaine de sièges par le Courant Patriotique Libre, le mouvement fidèle au Président Aoun, au profit de l’opposition, traduit un début de recomposition politique.
L’essai démocratique du 15 mai va-t-il être transformé? Les Hezbollah va-t-il respecter la loi démocratique? Les premières déclarations de ses dirigeants, notamment le chef de son bloc parlementaire, Mohammad Raad, appelant à une hypothétique union nationale avec ses adversaires d’hier, sous peine sinon de graves troubles dans le pays, ne présage rien de bon.
C’est comme si le mouvement pro iranien, affaibli par le recul de ses alliés chrétiens, ne voulait pas quitter le pouvoir. On sent que la bataille démocratique pour la Présidentielle d’octobre prochain devrait connaitre encore quelques sérieux rebondissements, qui n’excluent pas les assassinats ciblés, et n’est pas gagnée d’avance dans les délais constitutionnellement prévus.
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